Le 24 octobre, à peine déposées mes
valises à l’hôtel, je fonçais à Golden Gai voir la rue qui avait brûlée en
avril dernier. En août, lugubre rue fantôme (lire ici), elle était encore
isolée par des suaires en plastique bleu comme si on voulait contenir cette
force sournoise qui avait tenté d’éteindre Golden Gai et le renvoyer aux
ténèbres. On m’avait dit que quelques bars avaient rouvert dont le Buster de Mami
et le Darling de Yuya mais ce soir-là je n’en croyais pas mes yeux : c’est
la rue entière, illuminée, qui avait ressuscitée de la suie et des gravats. Certaines
mama-san, parmi les plus pauvres ou les plus abattues par le sinistre, avaient
revendus leurs échoppes et quelques étages attendaient leur rénovation
mais dans les petites chapelles bleues, roses et violettes, on célébrait à nouveau
le culte de Kenji « Julie » Sawada et Momoe Yamaguchi.
Pris dans le
jetlag, je flottais un peu. Je me demandais si, comme dans la série Stranger Things, en un clin d’œil la rue n’allait
pas s’obscurcir, tomber en cendre et me capturer moi-aussi
derrière le voile d’ombre. Lorsqu’apparu un curieux personnage. C’était une vieille
femme en vêtements blancs qui s'arrêtait devant chaque bar, tendait le bras et agitait
rapidement les doigts comme si elle lançait un charme. Qui est-elle ? Une folle ? Une sorcière ? Une chamane comme les itako du nord du Japon qui communiquent avec les esprits ? Les mama-san auxquelles
je montrais sa photo ne l’avaient jamais vue, mais ses gestes et ses vêtements
blancs leur faisaient froid dans le dos.
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