dimanche 29 janvier 2023

Bienvenue dans la maison hantée ! Junji Itô à Angoulême





En nommant l'exposition L’Antre du délire, je voulais évoquer, presque subliminalement, L’Antre de la folie de John Carpenter. En effet, je lui trouvais des correspondances avec l’œuvre d’Itô : une bourgade hantée, des références à Lovecraft et certaines scènes comme la vieille dame avalant un cafard et l’enfant vieillard aux longs cheveux blancs roulant à vélo sur une route déserte. 





Terreurs domestiques. Si on a dit qu’Ozu filmait à hauteur de tatami, c’est l’horreur que Junji Itô dessine quant à lui à hauteur de tatami.  



Texte du cartel : Avec cette œuvre inédite créée spécialement pour l’exposition, Junji Ito a rassemblé son inoubliable et cauchemardesque famille. Au centre la star Tomie, nous hypnotise avec son corps serpentin autour duquel s’enroulent les cheveux de Kirié l’héroïne de Spirale. A sa droite, la non moins charismatique Fuchi, le top-model démoniaque, tire une langue en forme de gastéropode empruntée à La Femme-limace.  A gauche, la planète cyclope Rémina s’apprête à détruire la terre en la léchant goulument. Toujours aussi séduisant, l’oracle ténébreux de L’amour, la mort, manipule le destin des habitants de la ville des brumes. Avec ses pattes d’araignée, le requin de Gyo s’apprête à courser les humains sur la terre ferme. Aux pieds de Tomie, l’horrible gamin Soichi joue à la poupée vaudou. Mais quelles sont ces formes étranges qui flottent dans le ciel ? les damnés des Ballons pendus se balançant sous leurs visages démesurés.



L’horreur bondit hors de la case à la face du lecteur. Pour accentuer l’effet de surgissement, Junji Itô fait passer le menton du vieillard par-dessus le bord inférieur de la case. 






Nous traversons des ruelles et des chemins forestiers, des cimétières aux sinistres stèles, des arrières cours de maisons en bois. Ici circulent les rumeurs et légendes urbaines. Si l’on se promène dans les bois avec Junji Itô on ne peut que se retrouver nez à nez avec une femme pendue.  





Les mondes hallucinés. 





A la masterclass Junji Itô avouait qu’à dessiner des spirales sous toutes leurs formes, de toutes les matières et avec une foule de détails, il était parfois pris de vertiges. 

Si Remina, la planète cyclope aux lèvres charnues, détruit la terre, c’est parce qu’elle la lèche avec sa langue monstrueuse. Notre planète est tout simplement trop appétissante. 


Le Temple de Tomie. Il nous fallait bien sûr nous placer sous la protection de la plus puissante créature créature de Junji Itô et pour cela lui consacrer un temple. On y accède en passant sous un tori rouge. J’ai une théorie. Les premières aventures de Tomie sont loin d’atteindre la perfection à venir  du dessin d’Itô avec leurs aplats noirs, leurs trames grossières et leur trait épais. Tomie semble même un peu banale. D’où vient ce glow up général ? Peut-être Junji Itô a-t-il réveillé un véritable esprit, s’accrochant à lui, et le poussant à s’améliorer pour en faire la beauté fatale, absolument irrésistible que nous connaissons. Junji Itô semble s’être libéré de l’emprise de Tomie, mais pour combien de temps ? 







Masterclass : Junji Itô devant une case de La Chuchoteuse, une de mes histoires préférées. 





Et joie personnelle, Junji Itô m’a dédicacé le 2e tome de Zone fantôme, encore inédit en France. 





Laissons le mot de la fin à Julie Doucet remixant Emil Ferris


ESPACE FRANQUIN

DU 26 JANVIER AU 29 JANVIER 2023

COMMISSAIRE : STÉPHANE DU MESNILDOT

SCÉNOGRAPHE : AGENCE LUXAR

DESIGN SONORE : YOKÔ HIGASHI

PRODUCTION : 9E ART+/ FIBD