Yutaka Takanashi est le fondateur de la revue de photographie
Provoke en 1968. Rien de provoquant pourtant, sinon un refus du pittoresque ou du portrait. S’il
photographie Shinjuku ou Shibuya comme Watanabe Katsumi ou Araki, il n’en
retranscrit pas la vie grouillante, ni ne tire le portrait des mauvais garçons
et des mauvaises filles. Takanashi privilégie les espaces
vides ou il faut parfois chercher une figure humaine estompée par le noir et
blanc.
Rien d’étonnant à ce qu’une de ses plus belles photos soit une
projection de 2001 l’Odyssée de l’espace, tant il représente Tokyo comme une
planète inconnue. Mais ce formalisme élégant n’est pas exempt d’émotion, bien
au contraire, même si on ne peut pas toujours la nommer. Ainsi
ce visage d’enfant reflété à Shibuya dans le noir de la veste d’un salaryman
appuyé contre une vitre.
Il y
a aussi, ce qui me touche particulièrement, ces photos couleurs prises en 1982
des bars de Golden Gai. Au moment de la fermeture, il n’y a plus ni clients ni
serveuses (à part ce reflet dans un miroir mais est-ce un visage ou une
photographie ?). Yutaka Takanashi saisit cet instant mélancolique où l’aube renvoie
les fantômes de Golden Gai à l’invisible, mais où flotte encore ce rêve qui se poursuit nuit après nuit.
Du 10 mai au 29 juillet 2012, la Fondation Henri Cartier-Bresson (Paris) exposait les séries emblématiques de Yutaka Takanashi.
Le site de l'exposition, ici