Tiré à peu d’exemplaires, Le Voyage sentimental (1971) est son premier chef-d’œuvre et l’album inaugural de sa carrière. Il y documente sa lune de miel, créant un style autobiographique inédit dans la photo japonaise. Ici, leur petite chambre d’auberge, un peu défraichie et sombre, et deux futons vides aux draps usés. Le couple est absent et ce sont les draps qui gardent l’empreinte de leur vie à cet instant précis. Il n’est alors qu’un artiste bohème n’ayant pour seule richesse que ses photographies, et ce petit voyage hors du béton, était tout ce qu’ils pouvaient s’offrir pour leur mariage.
Ces draps du voyage de noce deviendront d’autres draps, les plus tristes de toute l’œuvre d’Araki, bien qu’immaculés : ceux du lit d’hôpital où Yôko meure d’un cancer dans Le Voyage d’hiver (1989). La main d’Araki tient celle de Yôko qui dépasse des draps.
Lui en costume noir, elle dans un
cocon de tissus blancs, comme au jour de leur mariage, première photo du Voyage
sentimental. C’est déjà comme s’il tenait la main d’un fantôme dont le corps
est en train de rejoindre le monde invisible.
Tout au long du Voyage d’hiver, un esprit protecteur et
espiègle empêche Araki de lui-même se laisser glisser au pays des morts :
c’est Chiro, la petite chatte qui est l’autre grand amour du photographe. Sur
le drap blanc qui recouvre le paysage, elle incarne tout simplement la vie qui danse
devant les yeux d’Araki.
Les photos du Voyage sentimental et du Voyage d’hiver
sont visibles à l’exposition Love Songs, Photographies de l'intime
à la Maison Européenne de la Photographie (voir ici)