Une image par jour #27
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jeudi 13 avril 2017
mardi 29 mars 2016
L'érotisme noir de l'ére Showa
On aime dans le versant « noir »
du roman-porno, les films de Konuma des années 70 comme La Vie secrète de madame Yoshino ou Femme à sacrifier, qui sont aussi des contes de terreur où les
identités deviennent des masques et le monde un décor secrètement manipulé par
des monstres sournois. On retrouve la même sexualité théâtralisée dans les
revues érotiques de l’ère Showa. Des années 50 à l’orée des années 80, ces
revues, parmi les plus belles du monde, étaient un incroyable champ d’expérimentations
graphiques.
Les initiales SM que l’on
retrouve sur certaines couvertures jouent sur l’ambigüité puisqu’elles
désignent aussi les mots « Suspense & Mystery ». Confusion à
peine hypocrite puisque dès les années 20 les récits policiers d’Edogawa Rampo comme
La Proie et l’Ombre ou La Bête aveugle abondaient en éléments sadomasochistes. De
même ceux du maître du roman SM Oniroku Dan, possèdent une dimension policière avec
ces épouses bourgeoises contraintes à toutes les perversions par des
maîtres-chanteurs, qui se révèlent in
fine leur propre mari. On retrouve
cet alibi dans le magazine « Le lecteur moderne », consacré aux « femmes
criminelles ». La veuve noire ou le couple criminel lesbien font bien sûr
partie de l’imaginaire masochiste masculin. Les couvertures assemblent des
portraits gouachés de femmes aux regards rusés, chuchotant on ne sait quelle
machination.
De façon naïve, elles
essayent de reproduire le style des pulps américains mais évoquent davantage l’érotisme
lunaire des peintures de Picabia.
Au Japon comme en France, l’érotisme
est intrinsèquement lié au surréalisme. Cette revue tout simplement nommée SM
magazine (pour Suspense et Mystère bien entendu) a ainsi consacré une fascinante
série de couverture à des mannequins que l’on croirait sortis d’un film de
Mario Bava.
Des compositions hallucinées
L’une des revues les plus étranges se nomme裏窓 ou Uramado, traduction japonaise de Fenêtre sur cour d’Hitchcock. Les premières couvertures sont classiquement celles de récits policiers mais déjà les motifs du genre sont fétichisés à l’extrême, annonçant les giallos italiens. Le téléphone est rouge-sang et son fil, transformé en corde, s’enroule autour de l’héroïne, sans doute la proie d’un maître-chanteur.
L’une des revues les plus étranges se nomme裏窓 ou Uramado, traduction japonaise de Fenêtre sur cour d’Hitchcock. Les premières couvertures sont classiquement celles de récits policiers mais déjà les motifs du genre sont fétichisés à l’extrême, annonçant les giallos italiens. Le téléphone est rouge-sang et son fil, transformé en corde, s’enroule autour de l’héroïne, sans doute la proie d’un maître-chanteur.
Ici un personnage féminin décadré, dont seul l’œil est visible, un collier rouge à son cou et une broderie énigmatique en forme de rose ceignant son poignet. Un encart isole le fétiche principal : une corde qui entoure sensuellement une main aux ongles rouges. L’influence graphique est celle des revues de mode de l’époque et signale qu’au Japon le SM est une forme particulière de glamour avec ses modèles vedettes et ses parures, entre la haute couture et le prêt à porter.
Edité entre 1956 et 1964, Uramado connait plusieurs périodes dont
certaines plus classiquement SM, avec des femmes pulpeuses en kimono, telles
que Naomi Tani en sera la vivante incarnation.
D’autres couvertures font
référence ouvertement au surréalisme.
A l’intérieur, les récits et photos relèvent d’un SM plus traditionnel mais toujours légèrement décalé. Ainsi ces photos où le corps est porté à la lisière de l’abstraction.
C’est là où la revue
justifie son titre et l’emprunt à Hitchcock. Ce qui est excité chez le lecteur
est le voyeurisme et l’envie de faire la
mise au point sur la figure féminine. Celle-ci est rendu désirable par l’impossibilité
d’assouvir pleinement la pulsion scopique. Cette autre série datant de l’année
64 est peut-être l’une des plus belles de son époque. Dans ces images, qui
semblent tirées d’un rêve, le corps féminin, inaccessible, devient un détail de
la composition. C’est moins le désir de se rapprocher qui est mis en scène que le
regard dominateur du spectateur, observant cette femme retenue captive d’un paysage.
lundi 23 mars 2015
L’opéra silencieux (Nathalie Daoust – Tokyo Hotel Story)
Lorsqu’on
aime le cinéma d’horreur, et plus particulièrement le gothique italien des
années 60 – Mario Bava, Antonio Margheretti, et la déesse d’ébène, Barbara
Steele – on ne peut s’empêcher de ressentir une fascination pour l’univers du
SM, dans sa version la plus théâtrale : les bourreaux masqués, les vierges
crucifiées, les « Mistress » gantées et bottées et bien sûr les sombres donjons
résonnant du claquement du fouet.
Que
les fleurs les plus vénéneuses du jardin des supplices éclosent au Japon ne
surprendra pas les amateurs des chefs-d’œuvres eroguro de Teruo Ishii et Noburo
Tanaka, où les shoguns pervers remplaçaient avantageusement les inquisiteurs de
l’épouvante européenne.
Il
y aussi les versions SM des love hotels de Kabukicho et Maruyama. Natalie
Daoust, une jeune Canadienne s’est immergée pendant plusieurs mois à L’Alpha
In, le plus grand Love Hotel SM du Japon. Elle y a photographié 39 femmes de
tous les âges, dans leurs chambres/donjons privés, avec leurs accessoires. On pense
bien sûr à des cellules monacales devant ces espaces que Nathalie Daoust filme
toujours avec une certaine distance, comme un lieu que l’on observe sans
vraiment y rentrer. Un couvent, une maison de poupée également, où les maîtres
et les esclaves ne semblent pas faire partie de notre monde mais sont des
créatures de plastique et de tissus. Si les perruques et les postiches ne
brouillent leurs identités, les cagoules recouvrent parfois tout le corps, les
transformant en fantastiques Musidora ornementées et corsetées. Mais encore
plus, dans cet hôtel immense,
luxueux, baroque, lugubre, où des couloirs interminables succèdent aux
couloirs, silencieux... je
vois un opéra muet qui se joue avec des divas bâillonnées, suspendues,
contraintes…
Le site de Nathalie Daoust, ici
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