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vendredi 21 mai 2021

Namio Harukawa : la cité des femmes


Il y a un an mourait le mystérieux dessinateur Namio Harukawa, le Fellini du fetish japonais.

 



Harukawa est fasciné par des femmes monumentales qui étouffent sous leurs fesses des avortons d’hommes réduits au mieux à l’état d’accessoires. C’est un monde fantastique puisque les femmes d’Harukawa disposent de ces tabourets humains où qu’elles soient : au bureau, dans les bars, le métro… Ces géantes sont les maîtresses d’un monde dévoué à la suffocation masculine.


 

Harukawa possède une technique hors-pair de la mine de plomb qui dote ses dominas d’une puissante réalité charnelle. Namio Harukawa est un pseudonyme et nul ne connait son vrai nom. La composition de son nom d’artiste nous donne déjà les clés pour entrer dans son univers. 

Namio est l’anagramme de Naomi, l’héroïne d’Un amour insensé de Tanizaki, autre fétichiste mais lui des pieds. Naomi, une adolescente, réduit en esclavage son mari, un faible salaryman nommé Jôji. L’emprise de Naomi est plus psychique que sexuelle bien que basée sur la frustration. Ayant abandonné tout amour-propre, Jôji est réduit à être chevauché par son épouse et à faire le tour de leur salon, allégorie de son aliénation. Ci-dessous Naomi interprété par Machiko Kyo dans l'adaptation de Keigo Kimura (1949) et dans celle de Yasuzô Masumura (1967). 




 

C’est cette situation que reprendra le dessinateur dans son étude de la soumission masculine. On peut se demander de quoi se nourrissent ses hommes atrophiés, à la bouche éternellement collée aux fesses de leur maîtresse. Mais Harukawa reproduit aussi littéralement la cavalcade érotique de Naomi.

 


Harukawa est un hommage à l’actrice Masumi Harukawa (née en 1935). Elle débuta sa carrière comme danseuse burlesque sous le nom de Dharma-chan et Jumbo-chan.


 

Outre sa riche filmographie allant de Mizoguchi (Cinq femmes autour d’Utamaro) à Zatoïchi et aux films de camionneurs de Bunta Sugawara, on la retrouve également chez Shûji Terayama dans Cache-cache pastoral où elle joue une artiste de cirque éléphantesque. Mais ce n’est qu’un misemono (un faux phénomène) et son corps se révèle une baudruche. 


 

Son physique inspira le cinéaste Shohei Imamura qui lui offrit son plus grand rôle dans Désirs meurtriers (1964). Elle n’est au départ qu’une femme domestiquée, esclavagisée par son mari et sa famille, avant qu’un viol ne lui révèle sa soumission.


Ce corps jusque-là alourdi, étouffant sous la tradition, révèle sa force d’inertie, réduisant à néant son mari et son violeur, tous deux des hommes chétifs et malades. C’est ce matriarcat sans partage que reproduit Namio Harukawa en donnant à ses héroïnes le visage malicieux de l’actrice.