L’une des raisons d’être de ce blog est d’établir une sorte de cartographie de mes passions et obsessions. Je republie parfois des articles mais généralement je ne prétends pas y écrire des « textes » mais des esquisses qui me serviront peut-être dans le futur, comme c’est le cas pour mon interminable cycle de films de yakuzas. Ainsi ce billet que j’écris sous l’impulsion d’une « rencontre » d’images que je juge sidérante.
Quel lien peut-il exister entre Les Fleurs du mal de Kamimura et Possession de Zulawski ?
Le magazine Tempura m’a commandé un texte sur l’ero-guro et je me suis replongé dans les livres de Ranpo, Kyusaku et Tanizaki, et les mangas de Maruo et Kamimura. Une planche des Fleurs du mal (édité par Le Lézard noir) de Kazuo Kamimura était un hommage au classique d’Hokusai Le Rêve de la femme du pêcheur (1814).
Les reprises de ce chef-d’œuvre sont innombrables sur tous les supports et dans tous les pays. Ainsi dans L’Enfant de Valentina (Guido Crepax, 1970), c’est au tour de la belle milanaise de connaitre une étreinte tentaculaire.
Dans Erotique du Japon (Veyrier 1978), Théo Lésoulac’h cite Huymans (Certains,
1889) : « La plus belle est une Japonaise couverte par une pieuvre ;
de ses tentacules, l’horrible bête pompe la pointe des seins, et fouille la
bouche, tandis que la tête même boit les parties basses. L’expression presque
surhumaine d’angoisse et de douleur qui convulse cette longue figure de Pierrot
au nez busqué et la joie presque hystérique qui filtre en même temps de ce
front, de ces yeux cernés de morte sont admirables. »
Une autre surprise, bien plus folle et troublante, m’attendait quelques pages plus loin.
Je reconnaissais dans le découpage, le cadrage et même la
posture du personnage, l’une des scènes les plus marquantes de Possession de Zulawski.
Je pensais tout d’abord à un « remake » par le mangaka puisque Possession était effectivement sorti au Japon.
Cela s’avère en réalité impossible puisque le manga a été publié en 1975 et Possession est sorti en 1980. L’influence s’était donc faite dans l’autre sens: de Kamimura vers Zulawski.
Comment une obscure BD ero-guro japonaise avait-elle pu se retrouver
entre les mains d’un cinéaste polonais tournant un terrifiant drame de couple à
Berlin ?
Est-ce que je délire ?
Je n’aurais sans doute jamais la clé de l’énigme. Cependant,
Possession est aussi, d’une certaine manière, une reprise du Rêve de la femme du
pêcheur.
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