Takashi Kurashi, que je rencontrais
au Bar Buster, est cinéaste. Je m’en doutais puisque depuis une dizaine de
minutes j’étais troublé par sa ressemblance frappante avec Lav Diaz, le réalisateur
philippin. Mais lui, ce ne sont pas les grandes fresques telluriques qui le
passionnent mais des films expérimentaux en macro où il voit l’accès à un autre
monde. « 2001 l’odyssée de l’espace
est mon film favori, m’a-t-il dit ce soir-là. J’aimerai être le Kubrick
japonais. Vous savez : Golden Gai est l’espace. » C’était encore plus beau prononcé
en anglais par un cinéaste psychédélique japonais : « Golden Gai is
the space ». Comme David Bowman, Takashi Kurashi, sans doute cherche-t-il
à atteindre le bout du cosmos, qui toujours se dérobe lorsque l’aube bleutée
signe la reprise des affaires courantes à Shinjuku. Il faudrait passer par un interstice
infime d’espace et de temps, à la lisière de l'aube, pour disparaître dans la vie parallèle.
Lost in time and lost in space.
Mami-chan, la jeune
patronne, préfère quant à elle Lolita de Kubrick. Son bar, qui a brûlé en avril dernier, a été reconstruit à l’identique. Le
Buster est un bar rock où elle fait partager sa passion pour les Girl’s band,
américains comme les Runaways ou japonais comme Shonen Knife et The Portugal Japan.
Aux bars « showa », surchargés
d’affiches, de flyers et de photographies de Terayama, elle a choisi la
sobriété : une simple couleur rouge qui recouvre tous les murs. Couleur intense
qui capture un peu de cet espace infini. Sur la photo, Mami-chan a de faux-airs
de Juliet Berto, nouvel indice pour moi de la résonnance des pas entre les
piétons de Paris et ceux de Tokyo.
Nous ne sommes qu’aux portes de la vie parallèle.
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