Kabukicho par Noboru Tanaka
Golden Gai par Chusei Sone
Kabukicho, le quartier rouge de Tokyo fut l'un des lieux de prédilection des
roman porno Nikkatsu. Dans Night of the Felines (1972) de Noboru Tanaka, les
femmes-chats sont les employées d’un «bain turc» (ce que l’on appelle
maintenant «soapland») où les rapports sexuels (sans pénétration) s'effectuent par le
frottement des corps couverts de savon. Un sujet en or pour le cinéma érotique
japonais puisque la mousse du savon permet de dissimuler les organes et la pilosité tabous.
Pourquoi
les appelle-t-on ici «félines» ? Sans doute parce qu’elles vivent la nuit et
avalent au petit matin de petites bouteilles de lait.
Chez Tanaka, la sexualité fait
davantage partie d’un flux de vie que d’un cahier des charges. Ainsi Night of the Felines est une ballade mélancolique dans Kabukicho avec le bain turc des filles comme lieu
d’ancrage.
Il y
a une continuité Mizoguchi - Masumura - Tanaka, chacun s’arrêtant à peu près au
moment où l’autre commence à tourner. La transmission entre Mizoguchi et Masumura
est évidente puisque l’auteur de La Bête aveugle fut assistant sur les derniers
films du maîtres qui découvrit par ailleurs Ayako Wakao. Mais on peut établir
un lieu entre Cinq femmes autour d’Utamaro et Tatouage ; et un autre entre La
rue de la honte et Night of the Felines même si les bains turcs de la bulle
économique remplacent les bordels de l’après-guerre. Le désenchantement est porté par Ken Yoshizawa, qui fut le révolutionnaire aux yeux brûlés de L’extase des
anges de Wakamatsu. Il interprète chez Tanaka un vagabond de Kabukicho bisexuel et tourmenté ; un perdant magnifique, qui s’effondre au petit matin sur le béton alors que les
banques et les boutiques de vêtement lèvent leurs rideaux métaliques. Tanaka
reprend l’acteur mythique de la gauche révolutionnaire, celui qui un an plus
tôt allait faire sauter Tokyo, pour le montrer totalement anéanti, ne trouvant
un refuge que dans la nuit interlope de Kabukicho.
Réalisé 5 ans plus tard, Shinjuku, Messy District: I'll Be There de Chusei Sone appartient à la veine
néo-réaliste du cinéma pink. Ici, pas de perversions spectaculaires ni d’effets
visuels outranciers, mais la représentation de la vie d’un quartier de Shinjuku :
Golden Gai, labyrinthe de bars minuscules où Mimi, l’héroïne, est serveuse. Qui
l’a déjà fréquenté, découvrira le quartier en 77 et constatera que presque rien
n’a changé : ni les enseignes, ni les chats et presque pas la faune d’artistes
qui s'entassent dans ces minuscules échoppes. Chusei Sone enchaîne les succès de l’époque :
« Imitation Gold » de Momoe Yamaguchi et « Tokio » de Kenji
Sawada ; ce sont encore les mêmes chansons qui accompagnent les clients
jusqu’à l’aube bleutée de Shinjuku. Les serveuses ont aussi gardé leurs
habitudes, allant boire un dernier verre, dans un autre bar de Golden Gai, une
fois leur service terminé.
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