Balthus
a de longue date noué des liens avec la culture japonaise. Envoyé par Malraux
en mission au Japon en 1961, il y rencontra son épouse, Setsuko Ikeda, qui
deviendra le modèle de plusieurs de ses œuvres (La Japonaise au miroir, par
exemple). Le photographe Shinoyama Kishin fit le voyage jusqu’à Genève pour
mettre en scène le peintre avec une jeune fille blonde très «alicienne». On
comprend ce qui attire les Japonais chez Balthus, en premier lieu cette
représentation féminine juvénile, où l’érotisme nait d’une série de contraintes
du corps. Nous ne sommes pas dans le shibari mais le corps est néanmoins dominé
par les lignes dures des décors ou des meubles. Il y a aussi les chats aux
traits presque humains, compagnons des jeunes filles, ironiques et un peu
voyeurs.
L’imaginaire
balthusien a imprégné la culture japonaise, au même titre que celui de Bellmer
ou de Bataille, et on en retrouve la trace chez Suehiro Maruo, l’illustrateur
eroguro, dont les adolescentes se retrouvent brisées en des postures
douloureuses.
L’une
des dernières variations japonaises sur l’œuvre de Balthus est l’une des plus
spectaculaires. Le photographe Hisaji Hara s’est livré à une série de
relectures de peintures et dessins célèbres, en mettant en scène un couple de
lycéens. C'est d'ailleurs lui-même qui interprète, de façon assez médusante, le garçon, l'autoportrait de Balthus devenant ainsi le sien. Quant à la jeune fille, c'est la compagne du photographe, Natsumi Hayashi (connue pour ses autoportraits en suspension) qui tient son rôle. Si les décors et mobilier ne sont pas reproduits à l’identique, la
dureté persiste dans les contrastes du noir et blanc, sa finesse comme découpée
au scalpel. Hara s’autorise aussi d’étranges libertés, comme de transposer les
personnages de «La Montagne» dans l’intérieur glacé et carrelé d’une salle
d’opération chirurgicale. Si leurs regards sont parfois lointain, des sourires
amusés flottent légèrement sur les visages de ses modèles. Ces déplacements
ironiques, font des photographies d’Hara bien autre chose que de simples
«tableaux vivants». En traversant le miroir balthusien, les jeunes filles - et
les jeunes garçons - en uniformes entrent dans le monde qui leur convient le
mieux, celui d’une théâtralité des sentiments où l’émotion affleure sous la
froideur et la cruauté.
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Le site de Hisaji Hara ici
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