Dans les rues de Kabukicho, dans les ruelles de Golden Gai, sur les trottoirs de Shinjuku Dori, à Nichome, au Cambiare, au Perla, au Bar Honey, devant les enseignes des clubs érotiques, devant le grand cinéma Toho, avec Natsuco, Ikuko, Ami, Bertrand Mandico et la collégienne deux fois croisée et avec l’homme tigre de Golden Gai.
vendredi 25 novembre 2016
Sorcellerie de Shinjuku
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dimanche 20 novembre 2016
Golden Gai is the Space
Takashi Kurashi, que je rencontrais
au Bar Buster, est cinéaste. Je m’en doutais puisque depuis une dizaine de
minutes j’étais troublé par sa ressemblance frappante avec Lav Diaz, le réalisateur
philippin. Mais lui, ce ne sont pas les grandes fresques telluriques qui le
passionnent mais des films expérimentaux en macro où il voit l’accès à un autre
monde. « 2001 l’odyssée de l’espace
est mon film favori, m’a-t-il dit ce soir-là. J’aimerai être le Kubrick
japonais. Vous savez : Golden Gai est l’espace. » C’était encore plus beau prononcé
en anglais par un cinéaste psychédélique japonais : « Golden Gai is
the space ». Comme David Bowman, Takashi Kurashi, sans doute cherche-t-il
à atteindre le bout du cosmos, qui toujours se dérobe lorsque l’aube bleutée
signe la reprise des affaires courantes à Shinjuku. Il faudrait passer par un interstice
infime d’espace et de temps, à la lisière de l'aube, pour disparaître dans la vie parallèle.
Lost in time and lost in space.
Mami-chan, la jeune
patronne, préfère quant à elle Lolita de Kubrick. Son bar, qui a brûlé en avril dernier, a été reconstruit à l’identique. Le
Buster est un bar rock où elle fait partager sa passion pour les Girl’s band,
américains comme les Runaways ou japonais comme Shonen Knife et The Portugal Japan.
Aux bars « showa », surchargés
d’affiches, de flyers et de photographies de Terayama, elle a choisi la
sobriété : une simple couleur rouge qui recouvre tous les murs. Couleur intense
qui capture un peu de cet espace infini. Sur la photo, Mami-chan a de faux-airs
de Juliet Berto, nouvel indice pour moi de la résonnance des pas entre les
piétons de Paris et ceux de Tokyo.
Nous ne sommes qu’aux portes de la vie parallèle.
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samedi 19 novembre 2016
Photographier Golden Gai
Je ne suis pas un photographe et à vrai dire
je n’y connais pas grand-chose. Pourtant, j’ai ressenti le besoin de
photographier Golden Gai. C’était une façon d’entrer dans ce territoire qui me
fascinait et une façon de le regarder
et puis qui sait peut-être un jour le
voir. Sur les conseils d’un ami, j’optais pour un Canon 1100 d’occasion et
je troquais l’objectif pour un 50mm. Ma première série de photos date d’octobre 2015. Très vite j’ai
compris que je voulais adopter le point de vue d’un voyageur arpentant Golden
Gai et jetant un coup d’oeil à travers les fenêtres et les rideaux en
plastiques des portes. Cette méthode m’offrait des reflets, des couleurs et la
transparence usée du plastique et des vitres. Je retrouvais souvent ce « doré »
qui désigne le quartier. Cet estompage me parlait aussi du temps et de mes
chers fantômes. J’ai à nouveau photographié les ruelles en aout et octobre 2016. J’ai vu
la rue sinistrée par l’incendie d’avril se relever littéralement de ses cendres
quelques mois plus tard, reconstituée, propre et scintillante, comme si tout
avait été pardonné. Mais quelque chose s’était bien passé. Pour la première
fois, dans ce cycle ininterrompu de nuits, Golden Gai avait fait l’expérience
de sa disparition.
Et moi, qu’avais-je appris et que me
restait-il à apprendre ?
Un soir, un Japonais qui était dans
la même réflexion que moi me confia quelle était sa vision de Golden Gai.
Je n’aurai pas pu l’exprimer mieux.
Ce sera le sujet d’un prochain billet.
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mercredi 9 novembre 2016
Godard is japanese. 気狂いピエロ
mardi 8 novembre 2016
Le livre de L'Empire des sens
L’Empire des sens étant censuré au
Japon, Oshima édita en 1976 un livre qui comprenait le scénario, un texte du cinéaste
et surtout 22 photographies. Plus qu’un livre, il devint un motif d’inculpation et la police débarqua
dans les locaux de la maison d’édition Sanichi Shobô pour en saisir les
exemplaires. Le gouvernement japonais ne pouvant traduire Oshima devant les
tribunaux pour un film français, c’est ce livre qui fut déclaré obscène et
valut au cinéaste un procès qui le marqua à vie. Les photographies valent aussi
par leur disposition en diptyque, horizontalement sur des doubles pages. La
dernière photographie qui montre les amants riants à travers leur ombrelle percée
affirme que L’Empire des sens est
aussi un film sur la joie, le sentiment adverse à toutes les censures.
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lundi 7 novembre 2016
Le mystère de la femme en blanc
Le 24 octobre, à peine déposées mes
valises à l’hôtel, je fonçais à Golden Gai voir la rue qui avait brûlée en
avril dernier. En août, lugubre rue fantôme (lire ici), elle était encore
isolée par des suaires en plastique bleu comme si on voulait contenir cette
force sournoise qui avait tenté d’éteindre Golden Gai et le renvoyer aux
ténèbres. On m’avait dit que quelques bars avaient rouvert dont le Buster de Mami
et le Darling de Yuya mais ce soir-là je n’en croyais pas mes yeux : c’est
la rue entière, illuminée, qui avait ressuscitée de la suie et des gravats. Certaines
mama-san, parmi les plus pauvres ou les plus abattues par le sinistre, avaient
revendus leurs échoppes et quelques étages attendaient leur rénovation
mais dans les petites chapelles bleues, roses et violettes, on célébrait à nouveau
le culte de Kenji « Julie » Sawada et Momoe Yamaguchi.
Pris dans le
jetlag, je flottais un peu. Je me demandais si, comme dans la série Stranger Things, en un clin d’œil la rue n’allait
pas s’obscurcir, tomber en cendre et me capturer moi-aussi
derrière le voile d’ombre. Lorsqu’apparu un curieux personnage. C’était une vieille
femme en vêtements blancs qui s'arrêtait devant chaque bar, tendait le bras et agitait
rapidement les doigts comme si elle lançait un charme. Qui est-elle ? Une folle ? Une sorcière ? Une chamane comme les itako du nord du Japon qui communiquent avec les esprits ? Les mama-san auxquelles
je montrais sa photo ne l’avaient jamais vue, mais ses gestes et ses vêtements
blancs leur faisaient froid dans le dos.
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mardi 25 octobre 2016
Selfie & Déception
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mardi 4 octobre 2016
La chambre jaune
C’est un visage à travers la
meurtrière d’un bar de Golden Gai, à peine un visage d’ailleurs mais une ombre,
un spectre songeur. Peut-être un des personnages d’Edogawa Ranpo, ces criminels
toujours à demi cachés, à demi réels, tout à tour hommes et femmes, monstres et
humains, qui hantent les entrebâillements du
monde et ses interstices. Meurtriers des chambres closes qui versent goutte à goutte du poison
entre les lattes du plancher d’un grenier dans la bouche de leur victime
endormie. Un coup de fard, et c’est
peut-être Shizuko Oyamada qui pousserait la porte, le visage dissimulé derrière
un col en fourrure, et disparaîtrait dans l'aube bleue de Shinjuku. Le nom du
bar est d’ailleurs
étrange : 2x4-∞. Deux
fois quatre moins l’infini ?
Comment cela se prononce-t-il en japonais ? Quel est son sens caché ?
C’est peut-être sur la porte de ce
bar que se trouve l’opération secrète qui donnerait la clé de Golden Gai.
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