dimanche 4 septembre 2016

Trois petits kaidan à Shinjuku

Le koban

Comme dans tous les quartiers de Tokyo, il y a un koban à Golden Gai, juste en face du temple Hanazono. C’est une petite pièce éclairée au néon qui ressemble au décor d'un film de Kiyoshi Kurosawa, avec derrière la vitre un policier immobile comme un mannequin. Il ne se passe jamais rien ici, et à force d’attendre depuis des mois et même des années, le policier pourrait bien s’évaporer d’ennui.


Le cinéaste allemand 

Nous le savons, ni Daniel Schmid ni Werner Schroeter ne sont morts. Le premier tient un bar à Golden Gai nommé Hécate (voir ici). Sans doute peut-on y croiser Werner, attendant que Magdalena et Candy reviennent de Nichome, le quartier gay, où elles chantent de vieilles romances dans un cabaret de travestis fantômes.


La sorcière de Kabukicho

Le jour, on la remarque à peine, tête flottante entre les clubs et les love hotels. C’est la nuit que son travail commence : jeter des maléfices aux hosts, vendre des filtres d’amours aux mama-san, égarer les touristes français à la recherche de la Jetée, transformer les travestis du Jan June en lolitas et les yakuzas en chats. Il y a longtemps, très longtemps, elle n’était peut-être qu’une naïve lycéenne qui s’est laissé séduire par un jeune rabatteur devant le portail rouge de Kabukicho, et est restée depuis prisonnière des sortilèges des néons.  


Ali Baba, Ville du mystère

Quelqu'un te demande
Matin en mer
Midi sur la colline
Nuit sur la rivière
Qui est-ce?
Bero Bero
Un petit garçon
C'est Ali Baba
La ville du mystère




Chanson de Juro Kara dans Le Journal du voleur de Shinjuku d’Oshima (1969)

mardi 30 août 2016

Une soirée au Nagisa

Chanteuse de enka et de pop sixties, modèle et amante de Daido Moriyama, Yoko Nagisa tient un bar à Golden Gai tout simplement nommé le Nagisa. Moins ténébreux que l’Uramado, il est souvent peuplé de timides sexagénaire semblant se mourir d’amour pour les beaux yeux de la mama-san dissimulés, même au cœur de la nuit de Shinjuku, par d’immenses verres fumés. Aux murs, des affiches de ses concerts, des dessins de Kamimura et Aquirax, des photos des films d’Oshima et Terayama, et sur la télévision Les Funérailles des roses de Matsumoto. Ayant reconnu Peter en un clin-d’œil, Vivi Sato qui m’accompagnait ce soir-là, me donna le titre, totalement usurpé, de Dr Showa. Le bar possède aussi sa légende noire. C’est au Nagisa que Koji Wakamatsu passa sa dernière soirée avant d’être renversé par un taxi fatal, le 12 octobre 2012.