lundi 22 août 2016

Yanaka, quartier hanté


Yanaka est un vieux et beau quartier qui a miraculeusement échappé aux destructions successives de Tokyo.  Il n’échappera peut-être pas à celle qui menace le Japon qui est la crise démographique car il semble essentiellement peuplé de vieilles personnes, ce qui lui donne ce rythme doux et silencieux. On y vient pour visiter les temples, et admirer les bouddhas. 
On y vient aussi pour honorer les ancêtres et faire brûler de l’encens devant les tombes d’un des plus beaux cimetières de Tokyo. J’ai encore une fois été frappé par le petit parc pour enfant au cœur du cimetière. Quels étranges enfants peuvent bien venir y faire de la balançoire au clair de lune ? Si l’on vient à Yanaka au mois d’aout, pendant les fêtes d’O-bon c’est aussi pour visiter le temple Zenshoan où sont rassemblées les plus célèbres peintures de fantômes de l’ère Edo. Belle revenantes estompées par les voiles, spectres carnassiers, ombres vagues comme si le peintre avait voulu saisir ce qui échappe presque à la vision… 
Mais c’est tout le quartier qui est baigné d’une douce étrangeté. Un peu plus bas dans la rue, il y a le café Ranpo, du nom du célèbre écrivain eroguro – et quand on y pense c’est peut-être à Yanaka qu’on situerait la demeure de Shizuko, la femme fatale de La proie et l’ombre


Le café Ranpo était fermé ce jour-là, et je notais sa devanture rénovée, sans la multitude de dessins et sculptures de chats.  Je me demande si monsieur Suzuki, le très vieux monsieur que j’avais rencontré il y a 6 ans en était encore le propriétaire.
Le Café Ranpo en 2010
La dessinatrice  Chiiko Ayasaki y était serveuse. En explorant son site (ici) , je m’apercevais que ses dessins érotiques prenaient comme décor le café Ranpo.
En revanche, dans la première rue à gauche, la petite boutique pour otome qui vend des cartes postales et des petites sculptures de yokais était bien ouverte. 


J’achetais cet objet : un masque reproduisant le sourire au rasoir de Kuchisake Onna, la femme défigurée, célèbre fantôme de légendes urbaines des années 80. Elle-aussi on l’imagine bien hanter les rues de Yanaka dans son imperméable gris.
En bas de la rue un restaurant à Sushis peuplé bien entendu de vieilles personnes et de jeunes filles démodées.
A côté, un autre fantôme. 




vendredi 19 août 2016

Un squelette à Edo


A l’exposition From Eery to Endearing: Yokai in the Arts of Japan de l’Edo Tokyo Museum, j’ai croisé ce très beau personnage. Quelle est la nature de ce squelette sous la lune à la posture parfaite ? Comme celui à la couronne de roses du Rubaiyat d’Omar Khayyam, comme ceux aux crânes ornés de la Santa Muerte, comme le spectre de  Tappington qui observe coquettement sa mise dans un miroir, ou comme Kriminal le plus beau costume des fumetti neri, notre squelette d’Edo est d’abord un dandy. Il semble avoir conservé juste ce qu’il faut de chair pour s’en faire un pantalon sur mesure et une chemise de soie délicatement plissée. Parfaitement japonais, il a compris que la beauté résidait dans le retrait de l’inutile. Pourquoi, une fois mort, s’embarrasser d’une peau spectrale ou d’un visage ? Le squelette n’a aucune nostalgie de son apparence passée.