Une adaptation de 1965 du livre de Mishima, qui lave le cerveau des vagues souvenirs du film risible de Benoit Jacquot, dont l’affiche a longtemps défiguré l’édition Folio. Elle est réalisée par Ryô Kinoshita, cinéaste inconnu (de moi en tous cas – ne pas confondre avec Keisuke) n’ayant apparemment à son actif que trois films pour le cinéma, et pour le reste quelques téléfilms et série. Le roman est respecté à la lettre, décrivant la passion d’une femme à l’approche de la quarantaine pour un garçon de 21 ans.
L’école de la chair, donc, dont elle sortira à la fin diplômée en ayant repris possession de son désir - mais on ne sait pas si cela signifie une émancipation ou la fin de sa vie amoureuse. Le roman montre en tous cas la faculté de Mishima de projeter, dans des figures féminines, les passions qui sans doute l’animaient, et qui représentaient sa vérité profonde, sans doute plus que son folklore fasciste.
Le film est une merveille formaliste avec une idée folle par minute : passages sidérant d’une mise en scène classique à la théâtralisation sur fond noir, brusques raréfactions sonores, accélération expérimentales, et surimpressions oniriques.
Celui qui sans aucun doute a vu L’Ecole de la chair, et en a retenu la stylisation, est Paul Schrader pour son Mishima.
On n’est pas loin de Masahiro Shinoda, mais curieusement le film est produit par la Toho qui n’était pas à la pointe de la nouvelle vague. Senkichi, le jeune gigolo est interprété par Tsutomu Yamazaki, acteur à la très longue carrière, qu’on a vu mille fois sans forcément l’identifier. Toho oblige, il apparaît dans plusieurs Kurosawa, Entre le ciel et l’enfer par exemple où il est l’un des ravisseurs. Taeko en revanche est incarnée par une des actrices les plus marquantes du cinéma japonais des années 60, Kyoko Kishida avec son visage très singulier, à la fois magnifique, séduisant et effrayant.
Un visage en tous cas qu’on ne se lasse pas de regarder. Elle est l’épouse bourgeoise de Passion de Masumura, et surtout La Femme des sables d’Hiroshi Teshigahara. C’est elle qui rajoute de la profondeur à cet étourdissant exercice formel. Au fond, sous son apparente faiblesse, elle est toujours une femme insecte, une mante religieuse, qui pourrait bien finir par dévorer le petit macho Senkichi.
Le film respecte à la lettre l’esprit de Mishima (jusque dans les intérieurs bourgeois kitsch), peut-être dans le but d’en faire un de ces « films scandales » des années 60 qui fleurissaient dans le monde entier. Quatre ans avant Les Funérailles des roses, Ryô Kinoshita dépeint les « gay bars » de Tokyo, et des jeunes garçons pouvant aussi bien coucher avec des hommes que des femmes dans le but de se faire entretenir. Le patron du bar, confident de Taeko, est un « gay boy » angélique annonçant Peter, la queen des Funérailles des roses. Ça aussi permet de chasser le souvenir de Vincent Lindon, grotesque travesti minaudant dans le film de Jacquot.
Notons pour finir le défilé du couturier parisien "Yves Suger Laurende" car L’Ecole de la chair est aussi une comédie de mœurs, brocardant la bourgeoisie de l’après-guerre et son goût pour le luxe européen. Avoir un jeune amant, comme dans Le Diable au corps de Radiguet, en faisait partie.
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