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samedi 2 janvier 2016

Romain Slocombe, illustrations japonaises

Des illustrations de Romain Slocombe pour Folio, ma préférée est sans doute celle du Marin rejeté par la mer de Mishima, avec ses couleurs incroyablement vivantes et sa ligne claire. L’avantage de ces illustrations est bien sûr qu’on peut les «saisir» et qu’elles sont chargées de la dimension du texte.  Aujourd’hui, je me rends compte combien ces illustrations furent une première approche du cinéma japonais et constituaient les affiches idéales d’ adaptations rêvées.


 

 
 

Au début des années 90,  je découvrais au Studio Keaton, un petit cinéma d'Aix-en-Provence, la première vague de Roman Porno Nikkatsu. C'est Romain Slocombe qui avait conçu les premières pages du dossier de presse. En feuilletant des celluloïds, on pouvait déshabiller sa propre actrice pink .









Cette première save de Romans Pornos comprenait trois films de Noboru Tanaka, 
Confidentiel : Marché sexuel des filles (1974), La Maison des perversités (1976) et La Véritable histoire d’Abe Sada (1975).
Il y avait aussi la Rue de la joie (1974) de Tatsumi Kumashiro et la La Barrière de chair (1964) de Seijun Suzuki (qui n’est cependant pas un Roman Porno).
La collection ne connut pas un grand succès et il fallut attendre 20 ans pour découvrir, en DVD, d’autres films de Noburo Tanaka. Le très noir Confidentiel : Marché sexuel des filles n’a cependant pas été réédité. Tanaka quittait pour un temps ses univers décadents pour filmer un Japon contemporain en ruine : une adolescente prostituée couchait avec son frère attardé et se suicidait en faisant exploser une poupée gonflable remplie de gaz.




lundi 1 juin 2015

Fragments de la sexualité otaku


1. Quand le zentai part braconner


Ce n’est pas un film mais un de ces « matériaux pornographiques », un fragment, que l’on trouve sur youporn. Il n’a même pas de titre mais la description basique d’une situation : Japanese Av model butt groped.  Pourtant, dans sa laideur et sa bêtise, sa mise en scène improvisée, il fascine malgré tout. Si on le voyait en entier, peut-être comprendrions-nous comment ce personnage en combinaison (presque) intégrale (soit un zentai) parvient à s’introduire dans la salle de classe et à abuser des jeunes élèves ? On sait que la pornographie ne s’embarrasse pas de logique  mais épouse juste des canevas fantasmatiques. Au Japon, le viol et la violence sont des conventions admises et la prétendue jeunesse des personnages également. Ce qui gêne et intrigue ici, ce sont surtout les réactions aberrantes des jeunes filles observant le viol de leurs camarades, tour à tour dégoûtées, indignées voir curieuses… ou totalement absentes. Certaines, sans que l’on sache exactement pourquoi (sont-elles possédées par le zentai), commencent à se masturber avec des sextoys. 
La créature chétive et sans visage, qui pourrait être facilement maîtrisée par les jeunes filles, serait en fait une épure absolue du hentai japonais, ce pervers qui feuillette timidement les magazines pornographiques emplies de nymphettes écervelées. Il en est la projection fantasmatique, jouissant d’une liberté absolue dans cette république de Salo miniature que devient la salle de classe.


2. Daikichi Amano : amours visqueuses
On la vu, le zentai violeur de lycéenne était une réduction d’un être humain à la seule perversité, sans le minimum d’affect ou même de jouissance requis dans le porno traditionnel. La créature était une sorte d’être humain larvaire, à peine formé. L’idée d’un porno non humain remonte sans doute à Hokusai et aux Rêve de la femme du pécheur, duquel Daikichi Amano a tiré, autant en photographies qu’en films, une série de variations fascinantes. Dans l’idée, il s’agit bien sûr de zoophilie mais ici non mammifère et surtout basé sur l’idée de multiplicité, de grouillements, avec la viscosité comme dénominateur commun. Les modèles sont recouverts d’insectes, de vers, de reptiles ou d’animaux marins, jusqu’à disparaître presque totalement, comme dans une composition d’Arcimboldo. Amano est un maître des matières et de la couleur allant chercher des variations infinis dans la peau de ses animaux ; ce qui l’éloignent évidemment du pur matériel pornographique.






Mais il n’est pas sûr que les hentai prennent un si grand plaisir aux compositions baroques d’Amano. Peut-être préfèrent-ils se tourner vers des bandes moins raffinées, comme cette vidéo où une jeune fille en maillot de bains, une serviette autour de la bouche (au fond l’élément aquatique est préservé), se fait d’abord palper par des mains anonymes, remplacées par des vibromasseurs, puis des pénis (évidemment mosaïqués).




3. Rei Ayanami, clone sexuel
N’avez-vous jamais nourri des pensées coupables devant les Sylvidres d’Albator, l’Armanoïde de Cobra ou encore la redoutable Furia de San Ku Kai ? 
Imaginez un instant que jamais vous n’ayez jamais dépassé ce stade, que votre sexualité se soit construite exclusivement à travers des personnages de dessin animé ou des amazones de science-fiction. Au Japon, vous seriez ce que l’on appelle un otaku et votre chambre/appartement serait envahie d’amantes virtuelles. 
La libido otaku se divise entre des artefacts plus ou moins mainstream, à l’érotisme suggestif, et une pornographie underground qui est celle, par exemple, des mangas amateurs. Une circulation s’opère entre les deux, les mangas amateurs proposant souvent des versions classées X de personnages officiels.
Prenons par exemple Rei Ayanami, la jeune pilote aux cheveux bleus de Neon Genesis Evangelion, la géniale série d'animation d'Hideaki Anno débutée en 1995. Rei est un clone et en tant que telle connait de multiples morts et résurrections tout au long de la série. Elle est aussi un pilote remplaçable à l'infini, un corps adolescent appartenant aux adultes et totalement dévolue à usage : la guerre. Ce mélange de perfection martiale et de soumission en ont fait l'icone otaku absolue.


 

Elle a donné lieu à des variations hentai.


Des cosplay parfois assez élégants



Mais aussi à des vidéos pornographiques comme celle-ci où la starlette Mirina Izumi porte la tenue complète de pilote ainsi que les cheveux bleus et les lentilles de contact rouges.



Il n’y a aucune mise en scène dans ces vidéos, pas même de décor, seule importe de représenter le personnage dans des scènes sexuelles. On notera que Rei n’est pas ici déshabillée, à la différence des photos sexy du cosplay, et que la main de son partenaire sans visage caresse d’abord le costume du personnage. L’excitation otaku réside sans doute moins dans l’acte sexuel (d’ailleurs essentiellement masqué par les mosaïques usuelles) forcément déceptif, que dans ce prologue qui détaille le déguisement et en isole les « éléments d’attraction ».  L’otaku s’adonne donc au plaisir classique du fétichiste entre objet partiel et totalité, mais, univers de science-fiction oblige, l’objet de son désir est déjà une créature artificielle et dans le cas de Rei Ayanami un clone.

samedi 28 mars 2015

Les entrailles de l'ange

Angel Guts: Red Classroom (1979) de Chusei Sone, scénario Takashi Ishii

Muraki, éditeur de magazines érotiques, assiste à la projection privée d’un film déjà ancien : une lycéenne se faisant violer par 5 hommes dans une salle de classe. Muraki est bouleversé par le visage de la jeune fille, qui tombe en syncope au terme de son viol et se relève, dénué de toute expression, et retombe encore. Le viol était-il réel ? A-t-il assisté à la destruction d’un être humain.




Muraki retrouve la jeune fille, nommée Nami, au guichet d’un Love Hotel, cadre d’une séance photo. Il lui donne rendez-vous; ils vont à l’hôtel mais il refuse de lui faire l’amour. «Je veux te revoir demain» lui dira-t-il. Mais elle ne viendra pas ; elle lève un homme dans un bar et nous aurons l’exemple de sa folie : une sexualité violente et insatiable. 






Muraki ne cesse pourtant pas de l’aimer. 3 ans plus tard, alors qu’il erre ivre dans les ruelles de Golden Gai, il la voit dans l’embrasure de la porte d’un bar. Il tente de l’entraîner avec lui mais le patron, amant de Nami, le roue de coups dans un terrain vague. Il revient pourtant le lendemain et se fait à nouveau battre, mais cette fois il reste dans le bar.
Il observe alors les activités de Nami qui se donne sur le comptoir à 5 hommes, reproduisant le film initial... et il voit aussi que l’on sort une lycéenne ligotée, d’une trappe, et qui est violée à son tour.
Ce qui a détruit nami, au-delà encore de son viol, c’est le film lui-même, qui a volé son image, transformant son supplice en spectacle, le réitérant à chaque projection. On a atteint ici la plus infernale des dégradations. Nami non seulement reproduit les conditions de son viol mais remet en scène le spectacle de la destruction de son innocence sur une autre jeune fille.


Devant le bar, Nami semble sortir d’une vision néo-sirkienne de Fassbinder, un glamour corrompu. Elle entraîne Muraki dans son monde, absolument disloqué. C’est le passage le plus beau du film, expérimental et inattendu. Des plans de vitesse et d’énergie traversent la scène qui déstructure en faux raccord. Mais cette énergie ne va nulle part, ce n’est qu’une convulsion.



lundi 23 mars 2015

Shinjuku Pink

Kabukicho par Noboru Tanaka 
Golden Gai par Chusei Sone


Kabukicho, le quartier rouge de Tokyo  fut l'un des lieux de prédilection des roman porno Nikkatsu. Dans Night of the Felines (1972) de Noboru Tanaka, les femmes-chats sont les employées d’un «bain turc» (ce que l’on appelle maintenant «soapland») où les rapports sexuels (sans pénétration) s'effectuent par le frottement des corps couverts de savon. Un sujet en or pour le cinéma érotique japonais puisque la mousse du savon permet de dissimuler les organes et la pilosité tabous.
Pourquoi les appelle-t-on ici «félines» ? Sans doute parce qu’elles vivent la nuit et avalent au petit matin de petites bouteilles de lait.
Chez Tanaka, la sexualité fait davantage partie d’un flux de vie que d’un cahier des charges. Ainsi Night of the Felines est une ballade mélancolique dans Kabukicho avec le bain turc des filles comme lieu d’ancrage.
Il y a une continuité Mizoguchi - Masumura - Tanaka, chacun s’arrêtant à peu près au moment où l’autre commence à tourner. La transmission entre Mizoguchi et Masumura est évidente puisque l’auteur de La Bête aveugle fut assistant sur les derniers films du maîtres qui découvrit par ailleurs Ayako Wakao. Mais on peut établir un lieu entre Cinq femmes autour d’Utamaro et Tatouage ; et un autre entre La rue de la honte et Night of the Felines même si les bains turcs de la bulle économique remplacent les bordels de l’après-guerre. Le désenchantement est porté par Ken Yoshizawa, qui fut le révolutionnaire aux yeux brûlés de L’extase des anges de Wakamatsu. Il interprète chez Tanaka un vagabond de Kabukicho bisexuel et tourmenté ; un perdant magnifique, qui s’effondre au petit matin sur le béton alors que les banques et les boutiques de vêtement lèvent leurs rideaux métaliques. Tanaka reprend l’acteur mythique de la gauche révolutionnaire, celui qui un an plus tôt allait faire sauter Tokyo, pour le montrer totalement anéanti, ne trouvant un refuge que dans la nuit interlope de Kabukicho. 

Réalisé 5 ans plus tard, Shinjuku, Messy District: I'll Be There de Chusei Sone appartient à la veine néo-réaliste du cinéma pink. Ici, pas de perversions spectaculaires ni d’effets visuels outranciers, mais la représentation de la vie d’un quartier de Shinjuku : Golden Gai, labyrinthe de bars minuscules où Mimi, l’héroïne, est serveuse. Qui l’a déjà fréquenté, découvrira le quartier en 77 et constatera que presque rien n’a changé : ni les enseignes, ni les chats et presque pas la faune d’artistes qui s'entassent dans ces minuscules échoppes. Chusei Sone enchaîne les succès de l’époque : « Imitation Gold » de Momoe Yamaguchi et « Tokio » de Kenji Sawada ; ce sont encore les mêmes chansons qui accompagnent les clients jusqu’à l’aube bleutée de Shinjuku. Les serveuses ont aussi gardé leurs habitudes, allant boire un dernier verre, dans un autre bar de Golden Gai, une fois leur service terminé.