jeudi 10 mars 2022

L'hiver des yakuzas 4

 ‎Gloire à Yoshio Harada



Le plaisir de cette traversée du monde des yakuzas est aussi un plaisir d’acteurs. Passer de l’intense et rigoriste Ken Takakura (années 60) au très Rock N’Roll Yoshio Harada (années 70) constitue en soi un changement d’époque et de mentalité. Comme Yusaku Matsuda (né en 1949) ou Meiko Kaji (1947), Harada (1940) incarne cette nouvelle génération plus métissée et plus américaine aussi. Il y aurait sans doute un parallèle à faire avec le Pacino de Serpico et ces nouveaux acteurs de films d’action. 



A l’influence hippie correspond leur équivalent japonais : les futen. Matsuda et Harada sont chevelus, portent des raybans et des vestes de l’armée américaine, et surtout sont cools, un peu machos (influence Steve McQueen) et débraillés. La marginalité des yakuzas (et parfois aussi des flics) rejoint celle de la contre-culture. L’un des atouts d’Harada est d’avoir alterné des productions commerciales pour la Nikkatsu ou la Toho et des films indépendants mythiques comme le superbe The Assassination of Ryoma (1974) de Kazuo Kuroki où il incarne une grande figure de la restauration de Meiji ; Cache-chache pastoral (1974) de Terayama ; Preparation for the Festival (1975) de Kazuo Kuroki ou encore Mélodie Tzigane (1980), Brumes de chaleur (1981) et Yumeji (1991), la trilogie Taisho de Seijun Suzuki. En termes de liberté artistique et d’image, Yoshio Harada a sans aucun doute contribué à décomplexer et moderniser les acteurs japonais, ouvrant par exemple la voie à Koji Yakusho et Tadanobu Asano.




9 février 

Blood For Blood / Ryuketsu no Koso (1971) de Yasuharu Hasebe



Un clan véreux pousse les autres clans à se détruire pour asseoir sa suprématie. C’est compter sans l’héroïque Tezuka (Joe Shishido) sortant de prison et ne pouvant se résoudre à affronter son « frère », appartenant à un clan adverse, et faussement accusé d’avoir tué son chef. 



Après avoir surtout exploré les productions Toei, il est presque rafraichissant de regarder un Nikkatsu : cool, jazzy, délirant et sanglant mais surtout beaucoup moins névrotique dans sa représentation des yakuzas. Ici le divertissement prime sur l’autolégitimation du milieu. 



Joe Shishido compose un personnage un peu cartoonesque, yakuza à rouflaquettes, qui justement porte bien son nom puisqu’il a l’air sorti d’un manga de Tezuka. 



Mais l’acteur le plus troublant est Tatsuya Fuji, cinq ans avant L’Empire des sens et sans moustache. Son agonie finale, génial plan fixe monté en jump-cuts, montre à quel point le second rôle des Stray Cat Rocks est devenu un grand acteur. Pendant quelques minutes, Fuji devient l’acteur principal du film et le détourne vers la tragédie.

 


10 février 

Yakuza Wolf / Ôkami yakuza: Koroshi wa ore ga yaru (1972) de Ryuichi Takamori



Je n’ai pas fait le compte du nombre de films de yakuzas que j’ai vu depuis l’été, mais Yakuza Wolf s’il n’est pas le meilleur est sans conteste le plus délirant et le plus survolté. Si certains Ninkyo ressemblent à des westerns classiques, Yakuza Wolf a clairement pour modèle le western italien. Le pistolero dressant l’un contre l’autre deux clans rappelle l’homme sans nom de Pour une poignée de dollars, et le reste, de ses vêtements noirs à ses mains brisées, est calqué sur Django. 




Sonny Chiba, barbu et portant un chapeau à larges bords est parfait dans son rôle de fossoyeurs des yakuzas ayant massacré sa famille et enlevé sa sœur. Takamori multiplie les plans iconiques de héros solitaire et pousse un peu plus loin la latinité en peignant en couleurs bariolées, entre Bava et Argento, un club libertin privé. 



Le sommet du délire est atteint lorsque la fille tenue en otage d’un oyabun est dévoilée crucifiée sur la remorque d’un camion. 



Si l’on est parfois submergé par le nombre d’épisodes des sagas japonaises, on regrette que ce fascinant Loup Yakuza n’ait connu qu’une seule occurrence.


24 février

L’emblème de l’homme/ Otoko no monshô (1963) d’Akinori Matsuo





Ce premier épisode d’une série de la Nikkatsu est une merveille de scénario et de réalisation. La première scène est un moment traumatique pour Ryuji qui, enfant, voit son père, un chef yakuza,  tuer au sabre l’homme qui les attaquait dans leur sommeil. 



Le générique suit alors Ryuji de son enfance à son adolescence. Une vie comme les autres entre l’école et les bagarres avec collégiens, mais toujours sous le regard de son père. La mère semble alors absente, et le père éduque son fils avec bonté et dévouement. Pourtant le scénario attendu bifurque et au lieu de suivre le chemin paternel, Ryuji achève brillamment ses études de médecine. Pour échapper au clan, Ryuji s’exile volontairement dans les montagnes. 



En tant que médecin des ouvriers d’une carrière, il se conduit avec bravoure en s’opposant à un clan cruel – il a malgré tout le ninkyo chevillé à l’âme.  Apprenant l’assassinat de son père, il finit par accepter son destin. Sur son dos il se fait tatouer l’« emblème de l’homme » soit le même dessin de dragon que son père – acceptation de cet héritage où le clan se confond avec la famille. 



Le scénario se complexifie avec l’entrée en scène d’une Woman Boss, qui se révèle la mère, qu’il n’a jamais connu car appartenant à un clan adverse. Cette femme aimante, ne pouvant pas l’approcher, n’a cessé de le suivre de loin. Le combat est bien entendu intérieur avec des valeurs confucéennes que Ryuji finira par accepter mais en payant le prix fort : tuer pour venger son père alors que son choix était d’être l’inverse, un chirurgien réparant les corps blessés. Le final le montre sous la pluie, couvert de sang, titubant et complètement désarticulé. Le plus beau du film réside dans les relations père-fils, et la vénération de Ryuji pour cet homme juste et pacifiste, refusant tout acte de vengeance. 




Lors d’une scène magnifique Ryuji et son père jouent du tambour pendant un matsuri : deux forces s’accordant par la musique et qui finiront par se rejoindre au-delà de la mort,  le tatouage signant la coupure du waka (jeune chef) avec la société légale. « L’homme est celui qui sait que faire un pas en avant va sceller son destin même si celui-ci le conduit, seul, vers la mort », telle semble être la morale du film. La vérité du yakuza réside-t-elle dans les rituels, les coupes de saké échangées, le titre d’oyabun ? Non elle réside dans la mort, le sang, et c’est une chose laide qui détruit intrinsèquement l’être humain. 




Le véritable combat pour être un homme et non une bête sanguinaire commence. Hideki Takahashi, acteur d’une grande beauté, apporte à son personnage une sensibilité à fleur de peau. Un film génial sur lequel on pourrait écrire un livre entier. 



25 février

Outrage Coda (2017) de Takeshi Kitano 



Dernier épisode de la trilogie Outrage sorti chez nous en VOD et passé à peu près inaperçu. La première partie est une lutte de pouvoir, avec l’habituel jeu d’alliances et de trahisons. Si elle peut sembler statique et bavarde et ressembler à une succession de conseils d’administration, c’est surtout parce que Kitano déroule une galerie de gangsters quasi séniles, ralentis, essoufflés, vicieux ou demeurés, bien différents des nobles oyabun des années 60. Cette coda est celle d’un monde sinistre, peuplé de vieillards aigris, aux visages affaissés et aux paupières gonflés, marchant avec difficulté, et s’accrochant au pouvoir comme les politiciens du PLD. 




Lorsqu’il entre en scène, Kitano va régler à sa façon habituelle la lutte de succession. Si le jeu de massacre culmine dans le mitraillage d’une réception en l’honneur d’un yakuza fraichement libéré de prison, il faut encore aller flinguer deux types, dont on a oublié le rôle exact, dans une casse de voiture. En plan large, sans même montrer leurs visages comme une dernière formalité. Le yakuza, reproduisant son suicide de Sonatine, se loge alors une balle dans la tête. Un film cruel et nihiliste qui est aussi la coda d’un genre et du personnage fétiche de Kitano.





 

26 février

Melody Of Rebellion/Hangyaku no Melody (1970) de Yukihiro Sawada



A début des années 70, la Nikkatsu a tenté de moderniser sa propre série de yakuza-eiga. La compagnie, plus pop que sa rivale Toei avait toujours été moins rigide et à cheval sur le Ninkyo. Sans doute les vrais yakuzas y avaient moins d’influence ce qui permettait à Seijun Suzuki de les ridiculiser. Exit donc les playboys en costards Akira Kobayashi et Tatsuya Watari et place à une nouvelle génération d’acteurs dont l’emblème était le chevelu Yoshio Harada, ressemblant plus à un rocker qu’à un membre du Yamaguchi-gumi. 



Son « gumi » étant dissous, Tetsu retourne à son clan d’origine au fin fond de la province. Il  prête main-forte à sa belle-sœur dont le mari est en prison, et qui est harcelée par des gangsters peu respectueux du code. Contemporain de la série Stray Cat Rock, il s’agit plus de mêler le film de jeunes marginaux aux yakuza-eiga que de tourner un Ninkyo carré. 




Le folk remplace la enka, les motards d’inspiration « yankee » les cadets des gangs, une jeep les limousines, et Harada a troqué les costumes noirs pour un ensemble en jean qu’il porte à même la peau. Pourtant, le film s’achève dans les règles de l’arts avec un héroïque massacre final. Un duo mythique entoure Harada : rien moins que Meiko Kaji et Tatsuya Fuji dans le rôle du frère de sang. 



4 mars

Trail of Blood / Mushukunin Mikogami no Jôkichi: Kiba wa hikisaita

The Fearless Avenger / Mushukunin mikogami no jôkichi: Kawakaze ni kako wa nagareta. 

Slaughter in the Snow / Mushukunin Mikogami no Jokichi: Tasogare ni senko ga tonda

(1972–1973) de Kazuo Ikehiro



Dans cette trilogie réalisée par Kazuo Ikehiro (plusieurs Zatoichi et Kiyoshiro Nemuri) , Yoshio Harada interprète Jokichi, un matatabi soit un yakuza errant d'avant l'ère Meiji. Reprenant par amour une vie légale, il subit les humiliations de ses anciens ennemis mais, se tenant à son éthique d’honnête homme, ne réplique pas, allant même jusqu’à se faire couper deux doigts à la main gauche. 



Après l’assassinat de son épouse, également violée, et de son fils, il reprend son sabre et se lance à la poursuite des deux chefs de clans ayant monté l’opération. Cette très réjouissante saga rappelle les mangas écrits par Kazuo Koike comme Lady Snowblood et surtout Love Wolf and Cub dont il est contemporain des adaptations. 



On retrouve la même impureté, les « gadgets » comme les ongles de Jokichi taillés pour former des griffes, des signes distinctifs comme le chapeau en osier, et un chemin de croix rappelant le western italien. La musique, l’errance du héros, le masochisme, doivent peut-être plus à Sergio Corbucci qu’à Kenji Misumi. Harada est un yakuza sombre et hirsute, transposant dans le chanbara ses personnages débraillés proches de la contre-culture. 



Au fond c’est une petite révolution qu’il impose au genre et ses successeurs seront les rônins J-pop aux cheveux oranges et aux mèches tombant sur l’œil. Sa gestuelle-même lors des scènes de combat est aussi celle d’une rockstar. L’autre signature des trois films est de splendides paysages traversés par le yakuza : plaines enneigés, forêts, immenses crépuscules… Le dernier épisode est l’un des plus beaux, Isao Natsuyagi interprétant un charismatique yakuza tuberculeux crachant son sang sur la neige. Une passion étrange se noue entre les deux hommes, Jokichi ne parvenant pas, jusqu’à la fin, à tuer son rival. 





Sa lutte contre la maladie en plein cœur des combats et son sens de l’honneur le poussant même à rejeter tout honneur le bouleversent. Ce lanceur de couteau sera détruit surtout par les images de la femme qu’il aime faisant l’amour avec son ennemi ; magnifiques surimpressions de leur étreinte sur la fuite du yakuza dans la neige. 








6 mars

Nuclear Gypsies / Ikiteru uchiga hana nanoyo (1984) d’ Azuma Morisaki



Barbara et Miyazato sont deux amants originaires d’Okinawa ayant immigré sur l’île principal. Barbara est devenue danseuse de cabaret itinérante, et Miyazato pour la suivre Nuclear Gypsies, un saisonnier du nucléaire allant de centrales en centrales. Bien avant la catastrophe de Fukushima, Azuma Morisaki (scénariste et réalisateur d’un épisode de Tora-san devenu indépendant) alertait sur ces « prolétaires de l’atome », usant leur vie et leur santé dans des condition de travail inhumaines. Sur le port de Nagoya, Miyazato a fini par devenir un yakuza à la solde d’une société criminelle, réunissant gangsters et policiers organisés autour de la centrale : dissimulant les morts au travail, exploitant les immigrés philippins, et n’hésitant pas à liquider ceux tentant de s’échapper. 



Cette corruption d’un homme au départ honnête est parallèle aux chemins des radiations dans son corps. Yoshio Harada, acteur suffisamment libre pour alterner productions de studios et films indépendants engagés, compose une figure tragique mais gardant un certain panache. Bien sûr sa rébellion légendaire reprendra le dessus : il se retournera contre ses employeurs, et retrouvera sa dignité aux yeux de la femme qu’il aime. 




Barbara est interprétée par Mitsuko Baisho, grande actrice ayant joué dans tous les films d’Imamura à partir de La Vengeance est à moi. Avec elle Morisaki peut glorifier ce prolétariat japonais insoumis, et un peuple plus composite que l’extrême-droite ne veut l’admettre. 



C’est tout un monde des bas-fonds qui est mis en scène, des vieux capitaines, des immigrés philippins, des patronnes d’auberges et des délinquants juvéniles commettant des exactions ratées et absurdes. 



Il y a même un professeur en pleine crise existentielle se mêlant à cette vie parallèle. Avec son scénario foisonnant et sa magnifique photographie, Nuclear Gypsies est l’un des trésors cachés du cinéma japonais des années 80, un film romantique et militant au cœur d’une décennie vouée à la consommation effrénée. 



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lundi 7 mars 2022

Reiko Kruk : Métamorphose, comme une seconde peau

 


L’enfance du vampire

C’est un souvenir d’enfance. J’avais dix ans et j’étais en CM1 à Sillans-la-Cascade, petit village du var. A cette époque, la télévision diffusait des émissions pédagogiques l’après-midi, et notre instituteur tenait absolument à ce que nous regardions un documentaire sur la betterave sucrière. Si je m’en rappelle aussi bien c’est parce que ces images de tubercules terreuses, un peu monstrueuses, s’empilant à l’arrière d’un camion, dans une campagne française sinistre, se sont couplées à d’autres images venant à l’improviste infiltrer, pour ne pas dire féconder, mon imagination. Pour qu’on ne manque pas le début de l’émission, l’instituteur avait allumé la télévision en avance, en nous demandant de ne pas la regarder. Evidemment, il suffisait qu’on me l’interdise pour que j’ai envie d’y jeter un œil. Et je le vis : un visage à la pâleur impossible, un crâne comme un os, des oreilles pointues, des yeux rougis et surtout des dents de lapins pointus. Je n’avais jamais vu de plus terrifiante créature. J’étais happé : mes camarades, l’instituteur, la classe, et le petit village du Var avaient disparu, et là sans aucun doute c’est conclu mon pacte avec le fantastique et le désir frénétique de voir encore d’autres images. Je venais de rencontrer Nosferatu. 



Il s’agissait d’un reportage sur le film d’Herzog et sans doute y voyait-on aussi Reiko Kruk en train de maquiller Kinski. Reiko Kruk, ce nom étrange je l’assimilais longtemps à un maquilleur des pays de l’est avant d’apprendre qu’elle était japonaise. Alors que le métier n’existait pas et qu’elle était obligée d’inventer ses propre techniques, Reiko Kruk a été la première maquilleuse d’effets spéciaux en France où elle s’est installée en 1971 avec son mari Maurice Kruk. Si Nosferatu reste sa création la plus célèbre, elle a aussi réalisé les vieillissements et rajeunissements des Uns et les autres de Lelouch, travaillé pour la pub, le théâtre et l’art lyrique. Dans son autobiographie Métamorphose, comme une seconde peau (IMHO, 2022), elle évoque son travail au fil des années, ses rencontres dont sa relation mouvementée avec Kinski, et revient aussi sur sa jeunesse au Japon. Elle a neuf ans et vit dans le petit village d’Onojima, à 20 km de Nagasaki lorsqu’explose la seconde bombe atomique. Une neige de cendre tombe sur le jardin, des « irradiés noirs comme du poisson grillé arrivent par camions entiers », les cheveux de sa cousine, seule survivante de sa famille habitant à Nagasaki, tombent par poignées entières lorsqu’elle se peigne. C’est une hypothèse de ma part mais le crâne chauve de Nosferatu, son maquillage blanc, les postures de Kinski entre la larve, le fœtus et l’infirme, ce corps tout à la fois humain, animal et végétal, je les ai retrouvés chez les danseurs butô et Akaji Maro. 



Ces créatures, comme Nosferatu venaient d'une terre glacée, celle paysanne et archaïque du nord du Japon. Mais, et c’est à quoi les réduisirent rapidement les Occidentaux, elles étaient aussi les corps irradiés de la guerre atomique. Le « cri de la peau » comme le nomme Reiko Kruk dans l’un des derniers chapitres s’est-il fait d’abord entendre dans son enfance ? Les œuvres fascinantes de l’exposition Skin Art (2000), avec leurs matières translucides, suaires et épiderme détachées de leurs corps et pendus à des cordes à linge, sont-elles une façon de trouver dans la peau elle-même un moyen de combattre l’horreur ? 



On ne saurait évidemment réduire son art des métamorphoses à la seule catastrophe. Elle se rappelle aussi les yokaïs et les femmes-renardes vivant près de l’« étang au lotus » qui, dit-elle, sont « plus amusants » que « le démon de la banalité qui se cache derrière mon écran d’ordinateur. » Le Nosferatu de Reiko Kruk hante également les dessins de Suehiro Maruo (voir ici) et pourrait prendre place parmi les samouraïs fantômes de Kwaidan de Kobayashi avec leurs visages à la pâleur lunaire et leurs yeux rouges. En franchissant le Pacifique, Reiko Kruk n’aurait-elle pas emmené dans ses bagages un démon du kabuki ?  

Pour commander Métamorphose, comme une seconde peau de Reiko Kruk aux éditions IMHO.

ici


jeudi 3 mars 2022

L'hiver des yakuzas 3


 Yakuzas True Crimes

Pour parfaire mon apprentissage de la pègre japonaise, je me suis également plongé dans certains livres « non fiction » et des documentaires. Le Dernier des yakuzas (écrit en 2017) de Jake Adelstein retrace le parcours d’un petit chef de clan des années 70 aux années 2000 et retrouve toute la verve tragicomique de Tokyo Vice. 



Makoto Saigo est un peu la queue de comète des yakuzas, progressant dans un monde où l’étau se resserre autour des clans désormais désignés du terme peu glamour de « bandes violentes ». Makoto Saigo passe du gang de motard (ou bosozoku) au petit clan de quartier, mais ce que décrit surtout Adelstein est un homme rongé par le stress imposé par le code. Par exemple, l’infernal système de cotisations remontant de la base vers le sommet de l’Inagawa-kai. Ne serait-il qu’un salaryman dépressif parmi tant d’autre ? Makoto connaît de sérieux problèmes avec la drogue, fait une calamiteuse tentative de se couper l’auriculaire, est tenté par le suicide et fini par quitter la pègre pour devenir un « citoyen normal ». Cela avant tout pour protéger sa famille et offrir à son fils une image pas trop calamiteuse. « C’était drôle au début mais on a tous oublié les règles en cours de route ». 



Masatoshi Kumagai (né en 1961) dont les propos sont recueillis dans Confessions d’un yakuza (2021) de Tadashi Mukaidani est plus structuré et surtout bien plus intelligent. Le livre peut aussi se lire comme un guide de développement personnel du point de vue d’un yakuza et est truffé de maximes et de leçons de vie. La grande question qui préoccupe Kumagai est « Qu’est-ce qu’être un leader », comment évoluer dans ce monde mouvant d’alliances et de trahison, sans lui aussi « oublier les règles en cours de route » ? 



Comme Saigo, il appartient à l’Inagawa-kai, la plus grande organisation avec le Yamaguchi-gumi. Le souci de Kumagai est d’être un chef respecté mais humain, montrant de la considération envers ses subalternes. « Le monde souterrain est l’ombre du monde respectable » affirme le yakuza, ce qui est rendu presque cocasse par le fait que son premier projet était d’intégrer la police, ce qu’une agression au couteau rendra impossible. Ne pouvant faire respecter la loi dans le monde légal, il deviendra un chef de clan soucieux des règles. A 41 ans, il fut nommé secrétaire attaché au chef de l’Inagawa-kai. Au décès de celui-ci, il perd son rang et se retrouve au bas de l’échelle, simple homme de main. Cet évènement lui permit d’acquérir une certaine philosophie, et à force de travail et de fidélité de retrouver son  statut initial. Le livre possède un intérêt supplémentaire, Kumagai étant au centre du film Young Yakuza (2006) de  Jean-Pierre Limosin dont sont retracés la genèse et le tournage. 



J’ai donc revu le film de Limosin, où Kumagai apprend sa destitution et commence sa remise en question. En parallèle, on suit le parcours de Naoki, garçon d’une vingtaine d’année placé dans le clan par sa propre mère pour lui éviter paradoxalement de « tomber dans la délinquance ». 



Il vaut mieux pour lui se structurer au sein d’une pègre organisée plutôt que de devenir un petit délinquant. Une telle alternative montre l’échec de la société, laissant ses jeunes les plus fragiles et inadaptés à la dérive. Pour Naoki l’apprentissage se résume surtout à une série de corvées. Est-il également effrayé à l’idée de passer son existence dans ce monde-là ? Toujours est-il qu’il quitte le clan à l’improviste, ce qui évidemment blesse l’honneur de Kumagai. 




Se livrant toujours à l’introspection, le chef décide de consacrer plus de temps à ses jeunes, et comprendre leurs aspirations. La personnalité du yakuza est si intéressante mais aussi touchante, qu’on oublie presque la nature criminelle de ses activités. Celui qui a finalement le dernier mot est Naoki que le cinéaste retrouve avec un de ses amis rappeur. Ayuant muri et mieux dans sa peau, il ne ressemble plus à l'ancien adolescent désoeuvré et boutonneux. S’être frotté à la pègre pour mieux la rejeter lui aura peut-être été bénéfique. Les interrogations de Kumagai sont aussi celle d’un homme n’arrivant pas à raccorder sa morale (il est par ailleurs catholique) à ses activités. 

La médiatisation de Kumagai, son passage par le tapis rouge cannois où Young Yakuza était sélectionné, m’a amené à revoir le documentaire Yakuza-Eïga, Une Histoire du Cinéma Yakuza (2008) d’Yves Montmayeur. Le film commence par l’analogie entre les termes « yakuza » et « Yakusha » signifiant « acteur ». 



Il explore autant le genre cinématographique que les liens des clans avec les studios. Un passage de l’excellent L’Empire des yakuzas de Philipe Pelletier m’avait marqué concernant l’investissement de Noboru Yamaguchi dans le monde du spectacle, créant même une section lui étant spécialement dévolue. 



Son successeur Taoka Kazuo (1912-1981) va encore la développer en remettant au goût du jour la chanson populaire enka grâce à la célèbre Misora Hibari. Symbole de cette emprise : le bref mariage de Misora avec l’acteur Akira Kobayashi, sous le regard du chef du clan. Cette fusion du monde yakuza et de celui du cinéma est représenté dans le film d’Yes Montmayeur par Noburo Ando, ancien yakuza devenu acteur. 





Document exceptionnel : la dissolution du clan Ando en 1964 retransmise à la télévision. Il assure publiquement se tourner vers une existence légale ; ce sera le cinéma où il poursuivra de façon fictive ses activités criminelles.

 



Tan Taikawa, producteur à la Toei pendant l’âge d’or du yakuza eiga dans les années 60 raconte : « A la Toei on faisait des films avec de vrais yakuzas ou plutôt produits par des gens qui en fréquentaient. Du coup le résultat était très réaliste. Dans les scènes de tripots on jouait selon les vraies règles du jeu. Parfois on recrutait des centaines de vrais yakuzas tatoués pour reconstituer des scènes de concours de tatouages. On a même fait tourner un chef de clan qui était recherché. Du coup il s’est fait repérer et a été arrêté par la police ».   Est évoquée la figure du producteur de Toei des années 60-70, Koji Shundo, instigateur du yakuza eiga moderne, et ses liens avec des yakuzas très haut placés.


Les scénaristes et acteurs pouvaient ainsi rencontrer de véritables yakuzas pour s’inspirer de leurs vies et copier leur langage et gestuelle. C’est sous férule que Bunta Sugawara développa son style particulier, dynamique voir excessif, et que Noburo Ando passa de la Shochiku à la Toei. 

Une des autobiographies de Noburo Ando


Enfin, document incroyable que m’a transmis Mohamed Bouaouina, un numéro des Dossiers de l’écran de 1987 où à la suite du film Yakuza de Sidney Pollack (voir ici), le plateau réunit deux véritables yakuzas : monsieur Fuji, oyabun d’Osaka et monsieur Takada, lui faisant office de garde du corps et oyabun de Kyoto, tous deux membres du Yamaguchi-gumi.  



Ce sont des yakuzas classiques s’occupant d’entreprises immobilières, de prêts usuriers et de la protection des commerces nocturnes. Ils répondent avec une franchise désarmante aux questions d’Alain Jérôme et des téléspectateurs : ont-ils recours à la violence ? Oui évidemment lorsque leur adversaire est violent et lorsque c’est le seul moyen d’« intimider » un mauvais payeur ou le propriétaire récalcitrant d’une parcelle de terrain. Se battent-ils encore au sabre ? Et la réponse est oui si on les attaque au sabre, sinon ils préfèrent le pistolet. Sont-ils tatoués ? Ils répondent que non car c’est pour eux finalement un signe de faiblesse. Leur manque-t-il un petit doigt ?  Oui à chacun. Un des passages les plus intéressants est leur investissement dans l’extrême droite pour lutter en particulier contre les communistes au sein de l’éducation nationale et préserver de pures valeurs japonaises. Monsieur Fuji, figure haute en couleur, et monsieur Takada plus pince sans rire, sont atrocement sympathiques. 



Takada garde son calme tout au long de l’émission même si aucun des autres intervenants, dont Jean-François Sabouret ne se dégonfle face à lui. A une seule occasion le ton de l’oyabun se fait plus dur : lorsqu’il récuse toute connivence avec la police. Ce serait faire déshonneur à la fois aux yakuzas et aux policiers. Le monde légal et le monde des yakuzas doivent ainsi être strictement séparés pour garder leur cohérence.

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    Couvertures contemporaines des livres autobiographiques de Goro Fujita dont a été tirée la série Nikkatsu : Gangster VIP (Le Vaurien) avec Tatsuya Watari entre 1968 et 1969. 






samedi 26 février 2022

L’Etang du démon. A la découverte de Tamasaburo Bando.

Reflet brouillé



L’Etang du démon de Masahiro Shinoda (1969) nous entraîne au cœur d’un Japon ensorcelant, celui des dragons tapis sous les étangs, des créatures magiques des forêts et cours d’eaux, des princesses prisonnières pour l’éternité d’amours impossibles. Il se conclut par un raz de marée qui dévaste un village en en luxe d’images composites et de maquettes restant encore très spectaculaires. Mais l’effet spécial le plus sidérant est dissimulé au cœur du film, secrètement, sous le fard de son actrice principale. Celle-ci joue le double rôle de Yuri l’épouse d’un collecteur d’histoires surnaturelles, sonnant avec celui-ci la cloche du village pour empêcher le réveil du dragon, et de Shirayuki, la Princesse de l’étang séparée de son amour.

Cette femme hors du temps, au visage semblant sortir d’une estampe, aux gestes lents et à la voix mélodieuse est en réalité l’un des plus grands acteurs de kabuki : le trésor national vivant, Tamasaburo Bando alors âgé de 29 ans. Il appartient à cette catégorie crée en 1629 lorsque les actrices furent interdites de scènes, pour limiter la prostitution, et remplacées par des jeunes garçons. Le culte des éphèbes étant vivace au Japon, ce sont des acteurs majeurs qui reprirent en 1642 ce concept nommé onnagata ou « forme de femme », que Mishima nommait « la fleur du kabuki ».




L’homosexualité, si elle est présente chez les onnagata, n'est cependant pas une norme. L’orientation sexuelle est secondaire car seule compte leur façon de travailler et rendre unique une créature existant en dehors d’eux : leur propre « forme de femme ». Bando affirme que le personnage qui évolue sur scène est l’image idéalisée d’une femme imaginée par un homme. Il se compare à un peintre d’estampes travaillant l’attitude, les gestes ou la carnation d’un visage. Si comme tout registre actoral, ces gestes peuvent être appris et reproduit, le plus difficile à acquérir est le kokoro, l’esprit, le cœur où l’âme qui rendra vivante cette femme imaginaire. Si Bando est immensément célèbre au Japon, on peut parier que la plupart des spectateurs occidentaux ne verront qu’une femme tout au long du film. Shinoda ménage cependant un soupçon sur la nature du personnage lors de sa première apparition devant une mare, observée par un voyageur. 



Bando se tient alors de dos, puis tourne très légèrement la tête vers la gauche, laissant voir sa joue et son nez. Pourquoi le cinéaste dissimule-t-il le visage de l’actrice ? Ce maintien légèrement théâtral, cette voix composée laisse planer un doute. Pourtant c’est bien une femme qui finit par se dévoiler, sa beauté éblouissant le voyageur. Cependant persiste l’ombre d’une illusion. Comme chantait Christophe, autre voix transgenre : « Les choses les plus belles au fond restent toujours en suspension. » Sa nature androgyne est très différente de celle de Kazuo Hasegawa dans La Vengeance d’un acteur (1963) de Kon Ichikawa qui interprète donc un acteur, un onnagata, d’ailleurs amoureux d’une jeune femme. Shinoda fait de l’onnagata une créature magique, un charme d’amour puissant à l’intérieur de son film. Le plan qui dirait la vérité du personnage serait son reflet brouillé par l’eau de la mare.



La filmographie de Tamasaburo Bando, avant tout homme de scène, est courte. Parmi ses expériences les plus intéressantes : Nastassja (1994) d’Andrzej Wajda, adaptation du dernier chapitre de L’Idiot de Dostoïevski, où il interprète à la  fois le Prince Mychkine et Nastassja. 



Wajda raconte comment il a découvert Bando à Kyoto dans le rôle de Violetta dans La Dame aux Camélias. Pour Nastassja, qui était au départ une pièce de théâtre, Bando devait relever le défi d’interpréter pour la première fois un homme. Les costumes de la pièce avaient été conçus pour lui permettre de se métamorphoser en un clin d’œil. « D’un seul geste il enlevait ses boucles d’oreille, se retournait et soudain il était un homme. »


Autre grande apparition cinématographique de Bando : Visage écrit (1994), le fascinant documentaire de Daniel Schmid. 



On peut y voir un autre génie de la scène japonaise, le danseur butô Kazuo Ono, dansant sur port de Yokohama, travesti en son alter ego La Argentina. Ce qui intéresse Schmid est le pouvoir ensorcelant du fard, permettant à l’artiste de moduler une nouvelle identité. 



Bando y raconte comment son art vient aussi de l’observation des femmes et de leur geste et comment il les réinterprète avec un œil masculin. Il évoque Garbo et Dietrich transformées par Hollywood en archétype de la féminité.

On trouve de nombreuses vidéos avec Tamasaburo Bando sur YouTube, dont celle-ci, magnifique.


L’Etang du démon de Masahiro Shinoda est disponible en DVD et Bluray chez Carlotta Films. En bonus Fabien Mauro décrypte les effets spéciaux et je parle de la tradition fantastique du film et bien sûr de Tamasaburo bando. 

La boutique Carlotta





 

mercredi 23 février 2022

La Saison du soleil de Shintaro Ishihara

Les éditions Belfond viennent de republier La Saison du soleil, œuvre culte de la littérature japonaise, pour la première fois depuis 1958. Par un curieux hasard, cette réédition coïncide avec le décès de son auteur, Shintaro Ishihara, le 1er février à l’âge de 89 ans.



Si l’écrivain est oublié en France, on connait un peu mieux celui qui fut le très médiatique gouverneur de Tokyo de 1999 à 2012. Cette figure de la droite dure, pour ne pas dire d’extrême droite, conjuguait les pires travers de la politique japonaise : réactionnaire,  raciste, et un provocateur se rendant régulièrement au sanctuaire Yasukuni pour honorer les criminels de guerre. Un personnage que l’on laisserait donc disparaître sans remord dans « les poubelles de l’histoire ».

Qu’en est-il de l’écrivain ?



Lorsqu’on étudie le cinéma japonais, Ishihara est un nom familier, et pas seulement parce que son frère Yujiro fut l’une des plus grandes vedettes des années 50 et 60. En 1955, Shintaro créa l’évènement avec ce premier roman qui remporta le prestigieux prix Akutagawa et à 23 ans devint la figure de proue de la jeunesse japonaise. Nommée La tribu du soleil (ou Tayzoku) ces adolescents avaient grandi dans le Japon de la défaite, avaient lu des manuels scolaires dont les passages nationalistes étaient caviardés, et se sentaient pris en tenaille entre l’abattement et la rancœur des adultes et la modernité et les plaisirs offerts par l’occupant américains. Vêtus de chemises hawaïennes, ces jeunes bourgeois n’avaient comme occupation que de profiter du soleil, des plages et collectionner les conquêtes. Des études menées de façon velléitaires, allaient les conduire sans beaucoup d’efforts à des postes-clés de la finance, de la justice ou de l’industrie. S’inscrivant dans un mouvement mondial, La Saison du soleil est contemporain de Bonjour tristesse de Sagan, des Vitelloni de Fellini, et devance Et Dieu créa la femme de Vadim, Les Tricheurs de Carné, et Les Cousins et les Godelureaux de Chabrol. Admirateur d’Hemingway, l’écrivain dépeint avec détachement le cynisme et la cruauté de ses contemporains : Tatsuya un étudiant, adepte de boxe, et Eiko, une jeune fille émancipée, commencent une relation tout en considérant que l’amour est superflu. Il suffira d’une phrase, tombant presque banalement lors d’une partie de mahjong de la bande de garçons, pour que le marivaudage devienne une tragédie. Derrière l’hédonisme de façade, Ishihara est bien un moraliste. La vitalité des jeunes japonais décrits par Ishihara, pour ne pas dire leur virilité et leur sexualité agresive, lui valut l’admiration de Mishima. 





Le soleil pouvait être être aussi celui du drapeau japonais, rendu à sa dimension presque mystique, et celui de l'Empereur, même si les héros étaient pour le moment dépolitisés. Cette génération vierge des compromissions de leurs pères et de la défaite pouvaient, en gagnant en maturité, incarner un nouveau nationalisme. Si Mishima n’avait jamais été considéré comme un politicien sérieux, Shintaro Ishihara, plus pragmatique, embrassa avec succès une carrière politique.

Adapté l’année suivante, La saison du soleil est à l’origine des premiers films japonais conçus pour un public adolescent ou étudiant. 



Takumi Furukawa transpose très correctement le roman, et se permet quelques éclats comme la scène de beuverie de Eiko où il plonge dans l’ombre le visage de l’excellente Yôko Minamida.



C’est Ishihara lui-même qui signe l’adaptation, reprenant la plupart des dialogues du livre. Certaines variations sont amusantes comme ce livre que lance Eiko vers Tatsuya et qui perce une cloison de papier. Dans le roman c’est avec son sexe en érection que Tatsuya déchirait la cloison. Les lecteurs du livre auront forcément rétabli la scène d’origine. Yujiro, le petit frère de Shintaro, ne tient ici qu’un rôle secondaire, Tatsuya étant interprété par Hiroyuki Nagato, très sobre si on le compare à son rôle de yakuza surexcité dans Cochons et cuirassés d’Imamura.  




La même année, sort l’un des meilleurs films du mouvement Tayozoku, Passions juvéniles (Crazed Fruit, 1956), également scénarisé par Shintaro Ishihara qui fait de  Yujiro la première star de la jeunesse japonaise, entre James Dean et Elvis Presley. 



La petite réputation du film en France vient de l’éloge de François Truffaut dans Les Cahiers du cinéma et du célèbre titre « Si jeune et déjà poney ». L’autre grand film rattaché à ce courant est Les Baisers (1957) de Masumura où l’on retrouve les relations difficiles entre un garçon et une fille emportés par le tourbillon culturel et sensuel de la fin des années 50. Masumura rajoute une dimension sociale inédite puisque c’est en se rendant dans un pénitencier que les deux jeunes se rencontrent. Le père de l'étudiant est emprisonné pour avoir truqué des élections, celui de la jeune fille pour avoir détourné des fonds publics. 



Admiré par Nagisa Oshima, Les Baisers inspirera Contes cruels de la jeunesse, le film fondateur de la Nouvelle vague japonaise. L’importance de l’œuvre de Shintaro Ishihara tient ainsi à sa descendance souvent éloignée de ses convictions politiques. La Saison du  soleil demeure indispensable comme document sur la jeunesse japonaise de cette époque, mais aussi par sa noirceur et sa mélancolie enfouie qui lui permettent de résister au temps.