jeudi 3 mars 2022

L'hiver des yakuzas 3


 Yakuzas True Crimes

Pour parfaire mon apprentissage de la pègre japonaise, je me suis également plongé dans certains livres « non fiction » et des documentaires. Le Dernier des yakuzas (écrit en 2017) de Jake Adelstein retrace le parcours d’un petit chef de clan des années 70 aux années 2000 et retrouve toute la verve tragicomique de Tokyo Vice. 



Makoto Saigo est un peu la queue de comète des yakuzas, progressant dans un monde où l’étau se resserre autour des clans désormais désignés du terme peu glamour de « bandes violentes ». Makoto Saigo passe du gang de motard (ou bosozoku) au petit clan de quartier, mais ce que décrit surtout Adelstein est un homme rongé par le stress imposé par le code. Par exemple, l’infernal système de cotisations remontant de la base vers le sommet de l’Inagawa-kai. Ne serait-il qu’un salaryman dépressif parmi tant d’autre ? Makoto connaît de sérieux problèmes avec la drogue, fait une calamiteuse tentative de se couper l’auriculaire, est tenté par le suicide et fini par quitter la pègre pour devenir un « citoyen normal ». Cela avant tout pour protéger sa famille et offrir à son fils une image pas trop calamiteuse. « C’était drôle au début mais on a tous oublié les règles en cours de route ». 



Masatoshi Kumagai (né en 1961) dont les propos sont recueillis dans Confessions d’un yakuza (2021) de Tadashi Mukaidani est plus structuré et surtout bien plus intelligent. Le livre peut aussi se lire comme un guide de développement personnel du point de vue d’un yakuza et est truffé de maximes et de leçons de vie. La grande question qui préoccupe Kumagai est « Qu’est-ce qu’être un leader », comment évoluer dans ce monde mouvant d’alliances et de trahison, sans lui aussi « oublier les règles en cours de route » ? 



Comme Saigo, il appartient à l’Inagawa-kai, la plus grande organisation avec le Yamaguchi-gumi. Le souci de Kumagai est d’être un chef respecté mais humain, montrant de la considération envers ses subalternes. « Le monde souterrain est l’ombre du monde respectable » affirme le yakuza, ce qui est rendu presque cocasse par le fait que son premier projet était d’intégrer la police, ce qu’une agression au couteau rendra impossible. Ne pouvant faire respecter la loi dans le monde légal, il deviendra un chef de clan soucieux des règles. A 41 ans, il fut nommé secrétaire attaché au chef de l’Inagawa-kai. Au décès de celui-ci, il perd son rang et se retrouve au bas de l’échelle, simple homme de main. Cet évènement lui permit d’acquérir une certaine philosophie, et à force de travail et de fidélité de retrouver son  statut initial. Le livre possède un intérêt supplémentaire, Kumagai étant au centre du film Young Yakuza (2006) de  Jean-Pierre Limosin dont sont retracés la genèse et le tournage. 



J’ai donc revu le film de Limosin, où Kumagai apprend sa destitution et commence sa remise en question. En parallèle, on suit le parcours de Naoki, garçon d’une vingtaine d’année placé dans le clan par sa propre mère pour lui éviter paradoxalement de « tomber dans la délinquance ». 



Il vaut mieux pour lui se structurer au sein d’une pègre organisée plutôt que de devenir un petit délinquant. Une telle alternative montre l’échec de la société, laissant ses jeunes les plus fragiles et inadaptés à la dérive. Pour Naoki l’apprentissage se résume surtout à une série de corvées. Est-il également effrayé à l’idée de passer son existence dans ce monde-là ? Toujours est-il qu’il quitte le clan à l’improviste, ce qui évidemment blesse l’honneur de Kumagai. 




Se livrant toujours à l’introspection, le chef décide de consacrer plus de temps à ses jeunes, et comprendre leurs aspirations. La personnalité du yakuza est si intéressante mais aussi touchante, qu’on oublie presque la nature criminelle de ses activités. Celui qui a finalement le dernier mot est Naoki que le cinéaste retrouve avec un de ses amis rappeur. Ayuant muri et mieux dans sa peau, il ne ressemble plus à l'ancien adolescent désoeuvré et boutonneux. S’être frotté à la pègre pour mieux la rejeter lui aura peut-être été bénéfique. Les interrogations de Kumagai sont aussi celle d’un homme n’arrivant pas à raccorder sa morale (il est par ailleurs catholique) à ses activités. 

La médiatisation de Kumagai, son passage par le tapis rouge cannois où Young Yakuza était sélectionné, m’a amené à revoir le documentaire Yakuza-Eïga, Une Histoire du Cinéma Yakuza (2008) d’Yves Montmayeur. Le film commence par l’analogie entre les termes « yakuza » et « Yakusha » signifiant « acteur ». 



Il explore autant le genre cinématographique que les liens des clans avec les studios. Un passage de l’excellent L’Empire des yakuzas de Philipe Pelletier m’avait marqué concernant l’investissement de Noboru Yamaguchi dans le monde du spectacle, créant même une section lui étant spécialement dévolue. 



Son successeur Taoka Kazuo (1912-1981) va encore la développer en remettant au goût du jour la chanson populaire enka grâce à la célèbre Misora Hibari. Symbole de cette emprise : le bref mariage de Misora avec l’acteur Akira Kobayashi, sous le regard du chef du clan. Cette fusion du monde yakuza et de celui du cinéma est représenté dans le film d’Yes Montmayeur par Noburo Ando, ancien yakuza devenu acteur. 





Document exceptionnel : la dissolution du clan Ando en 1964 retransmise à la télévision. Il assure publiquement se tourner vers une existence légale ; ce sera le cinéma où il poursuivra de façon fictive ses activités criminelles.

 



Tan Taikawa, producteur à la Toei pendant l’âge d’or du yakuza eiga dans les années 60 raconte : « A la Toei on faisait des films avec de vrais yakuzas ou plutôt produits par des gens qui en fréquentaient. Du coup le résultat était très réaliste. Dans les scènes de tripots on jouait selon les vraies règles du jeu. Parfois on recrutait des centaines de vrais yakuzas tatoués pour reconstituer des scènes de concours de tatouages. On a même fait tourner un chef de clan qui était recherché. Du coup il s’est fait repérer et a été arrêté par la police ».   Est évoquée la figure du producteur de Toei des années 60-70, Koji Shundo, instigateur du yakuza eiga moderne, et ses liens avec des yakuzas très haut placés.


Les scénaristes et acteurs pouvaient ainsi rencontrer de véritables yakuzas pour s’inspirer de leurs vies et copier leur langage et gestuelle. C’est sous férule que Bunta Sugawara développa son style particulier, dynamique voir excessif, et que Noburo Ando passa de la Shochiku à la Toei. 

Une des autobiographies de Noburo Ando


Enfin, document incroyable que m’a transmis Mohamed Bouaouina, un numéro des Dossiers de l’écran de 1987 où à la suite du film Yakuza de Sidney Pollack (voir ici), le plateau réunit deux véritables yakuzas : monsieur Fuji, oyabun d’Osaka et monsieur Takada, lui faisant office de garde du corps et oyabun de Kyoto, tous deux membres du Yamaguchi-gumi.  



Ce sont des yakuzas classiques s’occupant d’entreprises immobilières, de prêts usuriers et de la protection des commerces nocturnes. Ils répondent avec une franchise désarmante aux questions d’Alain Jérôme et des téléspectateurs : ont-ils recours à la violence ? Oui évidemment lorsque leur adversaire est violent et lorsque c’est le seul moyen d’« intimider » un mauvais payeur ou le propriétaire récalcitrant d’une parcelle de terrain. Se battent-ils encore au sabre ? Et la réponse est oui si on les attaque au sabre, sinon ils préfèrent le pistolet. Sont-ils tatoués ? Ils répondent que non car c’est pour eux finalement un signe de faiblesse. Leur manque-t-il un petit doigt ?  Oui à chacun. Un des passages les plus intéressants est leur investissement dans l’extrême droite pour lutter en particulier contre les communistes au sein de l’éducation nationale et préserver de pures valeurs japonaises. Monsieur Fuji, figure haute en couleur, et monsieur Takada plus pince sans rire, sont atrocement sympathiques. 



Takada garde son calme tout au long de l’émission même si aucun des autres intervenants, dont Jean-François Sabouret ne se dégonfle face à lui. A une seule occasion le ton de l’oyabun se fait plus dur : lorsqu’il récuse toute connivence avec la police. Ce serait faire déshonneur à la fois aux yakuzas et aux policiers. Le monde légal et le monde des yakuzas doivent ainsi être strictement séparés pour garder leur cohérence.

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    Couvertures contemporaines des livres autobiographiques de Goro Fujita dont a été tirée la série Nikkatsu : Gangster VIP (Le Vaurien) avec Tatsuya Watari entre 1968 et 1969. 






samedi 26 février 2022

L’Etang du démon. A la découverte de Tamasaburo Bando.

Reflet brouillé



L’Etang du démon de Masahiro Shinoda (1969) nous entraîne au cœur d’un Japon ensorcelant, celui des dragons tapis sous les étangs, des créatures magiques des forêts et cours d’eaux, des princesses prisonnières pour l’éternité d’amours impossibles. Il se conclut par un raz de marée qui dévaste un village en en luxe d’images composites et de maquettes restant encore très spectaculaires. Mais l’effet spécial le plus sidérant est dissimulé au cœur du film, secrètement, sous le fard de son actrice principale. Celle-ci joue le double rôle de Yuri l’épouse d’un collecteur d’histoires surnaturelles, sonnant avec celui-ci la cloche du village pour empêcher le réveil du dragon, et de Shirayuki, la Princesse de l’étang séparée de son amour.

Cette femme hors du temps, au visage semblant sortir d’une estampe, aux gestes lents et à la voix mélodieuse est en réalité l’un des plus grands acteurs de kabuki : le trésor national vivant, Tamasaburo Bando alors âgé de 29 ans. Il appartient à cette catégorie crée en 1629 lorsque les actrices furent interdites de scènes, pour limiter la prostitution, et remplacées par des jeunes garçons. Le culte des éphèbes étant vivace au Japon, ce sont des acteurs majeurs qui reprirent en 1642 ce concept nommé onnagata ou « forme de femme », que Mishima nommait « la fleur du kabuki ».




L’homosexualité, si elle est présente chez les onnagata, n'est cependant pas une norme. L’orientation sexuelle est secondaire car seule compte leur façon de travailler et rendre unique une créature existant en dehors d’eux : leur propre « forme de femme ». Bando affirme que le personnage qui évolue sur scène est l’image idéalisée d’une femme imaginée par un homme. Il se compare à un peintre d’estampes travaillant l’attitude, les gestes ou la carnation d’un visage. Si comme tout registre actoral, ces gestes peuvent être appris et reproduit, le plus difficile à acquérir est le kokoro, l’esprit, le cœur où l’âme qui rendra vivante cette femme imaginaire. Si Bando est immensément célèbre au Japon, on peut parier que la plupart des spectateurs occidentaux ne verront qu’une femme tout au long du film. Shinoda ménage cependant un soupçon sur la nature du personnage lors de sa première apparition devant une mare, observée par un voyageur. 



Bando se tient alors de dos, puis tourne très légèrement la tête vers la gauche, laissant voir sa joue et son nez. Pourquoi le cinéaste dissimule-t-il le visage de l’actrice ? Ce maintien légèrement théâtral, cette voix composée laisse planer un doute. Pourtant c’est bien une femme qui finit par se dévoiler, sa beauté éblouissant le voyageur. Cependant persiste l’ombre d’une illusion. Comme chantait Christophe, autre voix transgenre : « Les choses les plus belles au fond restent toujours en suspension. » Sa nature androgyne est très différente de celle de Kazuo Hasegawa dans La Vengeance d’un acteur (1963) de Kon Ichikawa qui interprète donc un acteur, un onnagata, d’ailleurs amoureux d’une jeune femme. Shinoda fait de l’onnagata une créature magique, un charme d’amour puissant à l’intérieur de son film. Le plan qui dirait la vérité du personnage serait son reflet brouillé par l’eau de la mare.



La filmographie de Tamasaburo Bando, avant tout homme de scène, est courte. Parmi ses expériences les plus intéressantes : Nastassja (1994) d’Andrzej Wajda, adaptation du dernier chapitre de L’Idiot de Dostoïevski, où il interprète à la  fois le Prince Mychkine et Nastassja. 



Wajda raconte comment il a découvert Bando à Kyoto dans le rôle de Violetta dans La Dame aux Camélias. Pour Nastassja, qui était au départ une pièce de théâtre, Bando devait relever le défi d’interpréter pour la première fois un homme. Les costumes de la pièce avaient été conçus pour lui permettre de se métamorphoser en un clin d’œil. « D’un seul geste il enlevait ses boucles d’oreille, se retournait et soudain il était un homme. »


Autre grande apparition cinématographique de Bando : Visage écrit (1994), le fascinant documentaire de Daniel Schmid. 



On peut y voir un autre génie de la scène japonaise, le danseur butô Kazuo Ono, dansant sur port de Yokohama, travesti en son alter ego La Argentina. Ce qui intéresse Schmid est le pouvoir ensorcelant du fard, permettant à l’artiste de moduler une nouvelle identité. 



Bando y raconte comment son art vient aussi de l’observation des femmes et de leur geste et comment il les réinterprète avec un œil masculin. Il évoque Garbo et Dietrich transformées par Hollywood en archétype de la féminité.

On trouve de nombreuses vidéos avec Tamasaburo Bando sur YouTube, dont celle-ci, magnifique.


L’Etang du démon de Masahiro Shinoda est disponible en DVD et Bluray chez Carlotta Films. En bonus Fabien Mauro décrypte les effets spéciaux et je parle de la tradition fantastique du film et bien sûr de Tamasaburo bando. 

La boutique Carlotta





 

mercredi 23 février 2022

La Saison du soleil de Shintaro Ishihara

Les éditions Belfond viennent de republier La Saison du soleil, œuvre culte de la littérature japonaise, pour la première fois depuis 1958. Par un curieux hasard, cette réédition coïncide avec le décès de son auteur, Shintaro Ishihara, le 1er février à l’âge de 89 ans.



Si l’écrivain est oublié en France, on connait un peu mieux celui qui fut le très médiatique gouverneur de Tokyo de 1999 à 2012. Cette figure de la droite dure, pour ne pas dire d’extrême droite, conjuguait les pires travers de la politique japonaise : réactionnaire,  raciste, et un provocateur se rendant régulièrement au sanctuaire Yasukuni pour honorer les criminels de guerre. Un personnage que l’on laisserait donc disparaître sans remord dans « les poubelles de l’histoire ».

Qu’en est-il de l’écrivain ?



Lorsqu’on étudie le cinéma japonais, Ishihara est un nom familier, et pas seulement parce que son frère Yujiro fut l’une des plus grandes vedettes des années 50 et 60. En 1955, Shintaro créa l’évènement avec ce premier roman qui remporta le prestigieux prix Akutagawa et à 23 ans devint la figure de proue de la jeunesse japonaise. Nommée La tribu du soleil (ou Tayzoku) ces adolescents avaient grandi dans le Japon de la défaite, avaient lu des manuels scolaires dont les passages nationalistes étaient caviardés, et se sentaient pris en tenaille entre l’abattement et la rancœur des adultes et la modernité et les plaisirs offerts par l’occupant américains. Vêtus de chemises hawaïennes, ces jeunes bourgeois n’avaient comme occupation que de profiter du soleil, des plages et collectionner les conquêtes. Des études menées de façon velléitaires, allaient les conduire sans beaucoup d’efforts à des postes-clés de la finance, de la justice ou de l’industrie. S’inscrivant dans un mouvement mondial, La Saison du soleil est contemporain de Bonjour tristesse de Sagan, des Vitelloni de Fellini, et devance Et Dieu créa la femme de Vadim, Les Tricheurs de Carné, et Les Cousins et les Godelureaux de Chabrol. Admirateur d’Hemingway, l’écrivain dépeint avec détachement le cynisme et la cruauté de ses contemporains : Tatsuya un étudiant, adepte de boxe, et Eiko, une jeune fille émancipée, commencent une relation tout en considérant que l’amour est superflu. Il suffira d’une phrase, tombant presque banalement lors d’une partie de mahjong de la bande de garçons, pour que le marivaudage devienne une tragédie. Derrière l’hédonisme de façade, Ishihara est bien un moraliste. La vitalité des jeunes japonais décrits par Ishihara, pour ne pas dire leur virilité et leur sexualité agresive, lui valut l’admiration de Mishima. 





Le soleil pouvait être être aussi celui du drapeau japonais, rendu à sa dimension presque mystique, et celui de l'Empereur, même si les héros étaient pour le moment dépolitisés. Cette génération vierge des compromissions de leurs pères et de la défaite pouvaient, en gagnant en maturité, incarner un nouveau nationalisme. Si Mishima n’avait jamais été considéré comme un politicien sérieux, Shintaro Ishihara, plus pragmatique, embrassa avec succès une carrière politique.

Adapté l’année suivante, La saison du soleil est à l’origine des premiers films japonais conçus pour un public adolescent ou étudiant. 



Takumi Furukawa transpose très correctement le roman, et se permet quelques éclats comme la scène de beuverie de Eiko où il plonge dans l’ombre le visage de l’excellente Yôko Minamida.



C’est Ishihara lui-même qui signe l’adaptation, reprenant la plupart des dialogues du livre. Certaines variations sont amusantes comme ce livre que lance Eiko vers Tatsuya et qui perce une cloison de papier. Dans le roman c’est avec son sexe en érection que Tatsuya déchirait la cloison. Les lecteurs du livre auront forcément rétabli la scène d’origine. Yujiro, le petit frère de Shintaro, ne tient ici qu’un rôle secondaire, Tatsuya étant interprété par Hiroyuki Nagato, très sobre si on le compare à son rôle de yakuza surexcité dans Cochons et cuirassés d’Imamura.  




La même année, sort l’un des meilleurs films du mouvement Tayozoku, Passions juvéniles (Crazed Fruit, 1956), également scénarisé par Shintaro Ishihara qui fait de  Yujiro la première star de la jeunesse japonaise, entre James Dean et Elvis Presley. 



La petite réputation du film en France vient de l’éloge de François Truffaut dans Les Cahiers du cinéma et du célèbre titre « Si jeune et déjà poney ». L’autre grand film rattaché à ce courant est Les Baisers (1957) de Masumura où l’on retrouve les relations difficiles entre un garçon et une fille emportés par le tourbillon culturel et sensuel de la fin des années 50. Masumura rajoute une dimension sociale inédite puisque c’est en se rendant dans un pénitencier que les deux jeunes se rencontrent. Le père de l'étudiant est emprisonné pour avoir truqué des élections, celui de la jeune fille pour avoir détourné des fonds publics. 



Admiré par Nagisa Oshima, Les Baisers inspirera Contes cruels de la jeunesse, le film fondateur de la Nouvelle vague japonaise. L’importance de l’œuvre de Shintaro Ishihara tient ainsi à sa descendance souvent éloignée de ses convictions politiques. La Saison du  soleil demeure indispensable comme document sur la jeunesse japonaise de cette époque, mais aussi par sa noirceur et sa mélancolie enfouie qui lui permettent de résister au temps.  

 

mardi 22 février 2022

Le prix de la critique de cinéma pour Cérémonies, au coeur de L'Empire des sens

Mon livre "Cérémonies, au coeur de L'Empire des sens" a reçu le prix du meilleur livre français sur le cinéma 2021 remis par le syndicat français de la critique de cinéma.



My book "Cérémonies, au cœur de L'Empire des sens" (Ceremonies, at the heart of In the Realm of the Senses) was awarded the prize for the best French book on cinema in 2021 by the French Union of Film Critics.








jeudi 10 février 2022

Valentina é... giapponese





Depuis l’adolescence je suis amoureux de Valentina Rosselli. J’aime tout en elle : son visage, sa silhouette, son indépendance, ses rêveries et même ses opinions politiques. Valentina est la création du génial Guido Crepax, un des plus grands dessinateurs italiens, et l’on se perd autant dans ses récits gigognes et oniriques que dans les traits de plumes, dessinant des résilles, des enchevêtrements de rotin, des tissages de laine. 



Je savais que Crepax s’était inspiré de Louise Brooks mais curieusement je n'ai jamais totalement réussi à superposer l’actrice et le dessin. Il y avait bien la coiffure, encore que celle de Valentina soit plus bouffante, mais Louise Brooks est pour moi trop assimilée aux années 20 pour incarner la jeune femme pop de Valentina dans le métro. L’adaptation officielle de Baba Yaga par Corrado Farina (1973) ne m’a pas convaincu non plus. Isabelle de Funès, par ailleurs belle chanteuse dans le style de Marie Laforêt, n’a pas pour moi le visage de Valentina. 





J’ai retrouvé quelque chose du style pop de Crepax dans Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966) de William Klein. 






Mais c’est tout récemment que j’ai enfin déniché la Valentina de mes rêves. 

Hiroko Matsumoto (1935-2003) n’était pour moi que la « Mademoiselle Hiroko » de Domicile Conjugal de Truffaut, que ce fou d’Antoine Doinel quitte pour retrouver Claude Jade. A  la mort de Pierre Cardin, il y a deux ans, j’ai vu apparaître d’autres images de celle qui était son mannequin vedette. La coupe de cheveux, la ligne, le mystère et l’humour, les vêtements pop, l’univers de mode et de photographies : Valentina était donc Japonaise ! 





Bien sûr imaginer une Valentina nippone permet de croiser le sado-masochisme de Crepax avec les romans-pornos Nikkatsu les plus délirants comme la Maison des perversités de Tanaka, les films de Terayama ou les photos d’Araki. 



L’influence de Crepax se fait aussi sentir dans les mangas eroguro de Kamimura mais surtout dans ceux méconnus de Kenji Tsuruta comme Forget-me-not et surtout le chef-d’œuvre La Pomme prisonnière qui se déroulent à Venise.