mardi 8 novembre 2016

Le livre de L'Empire des sens

L’Empire des sens étant censuré au Japon, Oshima édita en 1976 un livre qui comprenait le scénario, un texte du cinéaste et surtout 22 photographies. Plus qu’un livre, il devint  un motif d’inculpation et la police débarqua dans les locaux de la maison d’édition Sanichi Shobô pour en saisir les exemplaires. Le gouvernement japonais ne pouvant traduire Oshima devant les tribunaux pour un film français, c’est ce livre qui fut déclaré obscène et valut au cinéaste un procès qui le marqua à vie. Les photographies valent aussi par leur disposition en diptyque, horizontalement sur des doubles pages. La dernière photographie qui montre les amants riants à travers leur ombrelle percée affirme que L’Empire des sens est aussi un film sur la joie, le sentiment adverse à toutes les censures.
















lundi 7 novembre 2016

Le mystère de la femme en blanc


Le 24 octobre, à peine déposées mes valises à l’hôtel, je fonçais à Golden Gai voir la rue qui avait brûlée en avril dernier. En août, lugubre rue fantôme (lire ici), elle était encore isolée par des suaires en plastique bleu comme si on voulait contenir cette force sournoise qui avait tenté d’éteindre Golden Gai et le renvoyer aux ténèbres. On m’avait dit que quelques bars avaient rouvert dont le Buster de Mami et le Darling de Yuya mais ce soir-là je n’en croyais pas mes yeux : c’est la rue entière, illuminée, qui avait ressuscitée de la suie et des gravats. Certaines mama-san, parmi les plus pauvres ou les plus abattues par le sinistre, avaient revendus leurs échoppes et quelques étages attendaient leur rénovation mais dans les petites chapelles bleues, roses et violettes, on célébrait à nouveau le culte de Kenji « Julie » Sawada et Momoe Yamaguchi. 
Pris dans le jetlag, je flottais un peu. Je me demandais si, comme dans la série Stranger Things, en un clin d’œil la rue n’allait pas s’obscurcir, tomber en cendre et me capturer moi-aussi derrière le voile d’ombre. Lorsqu’apparu un curieux personnage. C’était une vieille femme en vêtements blancs qui s'arrêtait devant chaque bar, tendait le bras et agitait rapidement les doigts comme si elle lançait un charme. Qui est-elle ? Une folle ? Une sorcière ? Une chamane comme les itako du nord du Japon qui communiquent avec les esprits ? Les mama-san auxquelles je montrais sa photo ne l’avaient jamais vue, mais ses gestes et ses vêtements blancs leur faisaient froid dans le dos. 

mardi 4 octobre 2016

La chambre jaune


C’est un visage à travers la meurtrière d’un bar de Golden Gai, à peine un visage d’ailleurs mais une ombre, un spectre songeur. Peut-être un des personnages d’Edogawa Ranpo, ces criminels toujours à demi cachés, à demi réels, tout à tour hommes et femmes, monstres et humains, qui hantent les entrebâillements du monde et ses interstices. Meurtriers des chambres closes qui versent goutte à goutte du poison entre les lattes du plancher d’un grenier dans la bouche de leur victime endormie. Un coup de fard, et cest peut-être Shizuko Oyamada qui pousserait la porte, le visage dissimulé derrière un col en fourrure, et disparaîtrait dans l'aube bleue de Shinjuku. Le nom du bar est dailleurs étrange : 2x4-. Deux fois quatre moins linfini ? Comment cela se prononce-t-il en japonais ? Quel est son sens caché ?


C’est peut-être sur la porte de ce bar que se trouve l’opération secrète qui donnerait la clé de Golden Gai.