dimanche 25 juillet 2021

Shinjuku, c’est

un quartier de jeunes 

un quartier où l’on fait une halte en rentrant chez soi 

un haut lieu de l’underground 

un endroit où il se passe toujours quelque chose 

un quartier de vagabonds 

un quartier chaud 

les entrailles de la civilisation 

un supermarché géant 

Tokyo en miniature 

La Mecque de la culture de l’immédiat 

là où tout peut arriver 

un lieu où les étudiants 

se sentent chez eux 

où les nouveaux venus se constituent des familles 

où l’on peut boire et danser pour 200 yens 

où tout le monde se donne rendez-vous 

où l’on rejette l’autorité 

un mélange de frivolité et d’infamie 

une jungle moderne 

le parfum du crime 

un quartier du désir qui, déchaîné, peut tout engloutir

Postface de Shomei Tomatsu

O ! Shinjuku, éditions Shaken, Tokyo 1969

Cartel à l’exposition de la MEP : Moriyama-Tomatsu (19.05.2021 - 24.10.2021)



Tout me touche dans cette description, et plus particulièrement « où les nouveaux venus se constituent des familles ». Bien sûr on m’objectera que le Shinjuku que j’ai découvert en 2009 n’est que l’ombre de celui de 1969. Et pourtant l’esprit du lieu est bien présent, et si ce n’est plus Tokyo ou le Japon que ce « quartier du désir qui, déchaîné, peut tout engloutir », c’est bien moi qu’il a fini par entraîner là où je ne croyais jamais aller. 



En visitant l’expo de la MEP, j’ai pensé comment Tomatsu avait d’abord poursuivi la tradition du cadrage japonais (et Dieu sait si les Japonais, de la peinture au cinéma, en sont les maîtres), pour ensuite la briser et saisir l’énergie des années soixante, dont Shinjuku était l’épicentre sismique. C’est la pure intensité de l’éditeur enragé cognant sur son punchingball, du manifestant sur le goudron luisant comme les écailles d’un gigantesque poisson. 






Pourquoi cadrer lorsque tout est mouvant et explose. Lorsque le désir entre en irruption. De cet abandon du cadre naîtra la photographie japonaise moderne et celle de Daido Moriyama qui ira encore plus loin en radiographiant la ville. Chez Daido le cadre est de toute façon ailleurs, c’est le contour impossible de Shinjuku. C’est le centre impossible de Shinjuku. Si l’on faisait une mosaïque des photos de Moriyama sera-t-elle aussi grande que le quartier ? Quel visage apparaîtrait ? 


photographies de Shomei Tomatsu

1. Couverture de Oh! Shinjuku

2. oh! Shinjuku. 1964

3. Série « Chewing Gum and Chocolate ». 1960

4. Takuma Nakahira, éditeur du magazine Provoke, 1964

5. Protest, Tokyo. 1969 (oh! Shinjuku)

6. Série « Japan A Photo Theater ». 1964. 

7. oh! Shinjuku. 1964  


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