Une de ces dernières peintures est un triptyque de films
imaginaires, ayant pour titres, de gauche à droite : Sukeban Gang, La
Plongeuse sauvage (Yasei no Ama) et La Reine du quartier des plaisirs (Rakucho
no Jōō). La force d’incarnation des personnages et la sensualité des couleurs font
de ce triptyque une des plus belles œuvres de Rina.
Si les films sont imaginaires, ils appartiennent en revanche
à trois catégories du cinéma d’exploitation japonais.
Sukeban Gang, est un film de jeunes délinquantes comme il s’en
tournait début 70 avec Reiko Ike et Miki Sugimoto (Girl Boss Guerilla, et Sex
& Fury de Norifumi Suzuki). Des gangs de lycéennes en uniformes se livraient
une guerre sans merci avant de s’allier contre un ennemi commun, généralement
le directeur sadique du lycée ou des yakuzas pervers. L’érotisme, le SM, et le
fétichisme des uniformes, n’empêchaient pas ses films d’être subversifs, et de
prôner une anarchie héritée des années rouges japonaises, rebelle à toute forme
d’autorité surtout lorsque celle-ci est incarnée par des figures machistes. La
sororité des héroïnes, la reprise des codes des yakuzas, comme le salut paume
ouverte où les loubardes déclinent leur identité, ont rendu cette série très
populaire chez les jeunes féministes rocks et les lesbiennes japonaises.
La Plongeuse sauvage rend hommage aux films de pêcheuses de
perles qui plongent dans le pacifique parfois seulement vêtues d'un pagne. En Occident on les connait surtout grâce aux splendides
photographies de Fosco Maraini. Les premiers films comme Revenge of the Pearl
Queen de Toshio Shimura datent de 1954 et exploitent l’exotisme du Pacifique
sud (décor d’Anatahan de Josef von Sternberg) et des ballets aquatiques. Naturellement,
le genre deviendra une branche du cinéma pink dans les années 60, puis intégrera
le Roman Porno Nikkatsu dans les années 70 avec des films comme Clam-Diving Ama
(1979) de Shinichi Shiratori. On peut le rattacher aux films de gangs par l’unité
des costumes (mêmes réduits) des pêcheuses regroupées en « tribus ».
La Reine du quartier des plaisirs ne se rattache pas à un
genre particulier mais à un type de personnage et d’environnement très
populaires dans le cinéma japonais. Mizoguchi par exemple offrit leurs chefs-d’œuvre
aux figures de prostituées avec Les Femmes de la nuit (1948) où l’on croise par
ailleurs un gang de jeunes délinquantes et La Rue de la honte (1956). La femme peinte
par Rina, appuyée à une gouttière et observée par un soldat américain est
typique de l’ère Showa avec ses cheveux bouclés et son chemisier à fleurs.
Qu’elle soit une délinquante adolescente, une chasseuse de perles
ou une prostituée, aucune de ces héroïnes n’est soumise et chacune regarde le « spectateurs »
dans les yeux. Rebelles à la société du miracle économique, paysannes luttant
contre les éléments ou prostituées vendant leurs corps pour survivre dans l’après-guerre,
le film imaginaire de Rina Yoshioka raconte avant tout les combats des femmes
japonaises.
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