Furyo (1983)
Devant l’armée japonaise attendant la décapitation
d’un prisonnier, le major Jack Celliers embrasse le capitaine Yonoi. Celui-ci
blêmit et tombe à ses pieds comme une fleur coupée. Le rite de mort s’est
converti en un rite d’amour tout autant fatal. Unis par un lien négatif, David
Bowie et Ryuichi Sakamoto appartiennent à la lignée d’astres noirs à
l’attraction destructrice du cinéma d’Oshima.
Comme R. le
Coréen de La Pendaison, Celliers est
l’ange exterminateur qui retourne la clôture du camp contre ses gardiens et les
enferme dans leurs obsessions, leurs peurs et leurs désirs. Pourtant, ce qui
foudroie Yonoi n’est pas seulement son amour pour Celliers mais la part sombre
de ce dernier, ce qu’il croit avoir laissé derrière lui mais qu’il expie à l’intérieur
du camp : le martyr de son petit frère bossu dans un collège anglais. On a
l’impression que c’est l’infirmité du frère qui fait retour sur le corps de
Yonoi et brise sa stature fasciste. Le Japon et l’Angleterre, empires déjà
déchus ou proches de l’être, se rejoignent alors dans l’apologie des normes
sexuelles et physiques. Ce qui rend la redécouverte de Furyo indispensable est aussi la présence de Kitano à 36 ans, alors
comique de télévision, dans un contre-emploi alors imperceptible aux
spectateurs occidentaux. L’amitié entre le sergent Hara et le colonel Lawrence forme
ce second récit qui donne au film sont titre international : Merry Christmas Mr. Lawrence. A la fin
de la guerre, Lawrence rend visite à Hara dans sa cellule, à la veille de son
exécution. Le visage de Kitano, bouleversant de candeur, révèle que, sous la
silhouette massive du soldat, se dissimulait un être perdu, autant manipulé par
les puissances nihilistes que Boy,
le petit garçon.
Extrait de l’article « Nagisa Oshima, sept cérémonies », paru dans Les Cahiers
du Cinéma n°709, Mars 2015
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