Quand on aime Tokyo, c'est-à-dire un
Tokyo qui n’est pas traditionnel (bien que celui-ci soit aussi très beau) mais
plutôt sulfureux, on aime Nobuyoshi Araki. On peut même découvrir Tokyo à
travers ses photos, même si, cruellement, les clubs interlopes de Kabukicho
nous resteront fermer. Araki, n’a qu’un seul concurrent, Daido Moriyama,
l’autre photographe fou de Shinjuku, dont on ne peut oublier, une fois qu’on l’a
vu le chien galeux qui montre les crocs. Une seule photo aurait suffit à rendre célèbre Moriyama.
Quelle serait la photo qui définirait
Araki ?
Araki photographie de façon sublime
des fleurs qui ressemblent à des sexes féminins ouverts. Et ça personne n’en
est capable mieux que lui. Il photographie aussi des filles suspendues en
kimonos rouges, comme des fruits étranges, et ça non plus personne ne le ferai
aussi bien.
Mais il y a aussi une multitude de
photos d’Araki qui relèvent de l’instantané. Dans les librairies de Tokyo, on
est sidérés par la foule de fascicules et de recueils qui échappent aux beaux
livres édités par Taschen ou Phaedon. Ce sont des journaux intimes compilant
des centaines de photos en noir et blanc, prises sur le vif, sans souci
esthétique particulier.
Il y a aussi les polaroïds d’Araki,
ceux-là on a l’impression que si l’on trouve le bon modèle on serait tout à
fait capable de les faire nous-mêmes. C’est sans doute vrai et c’est ce qui
rend si proche et émouvant ces artistes japonais. C’est comme s’ils n’avaient
pas la conscience de construire une œuvre. Comme s’ils ne se momifiaient jamais
dans leur art. C’est la même chose avec ces vieux mauvais garçons que sont le
danseur butô Akaji Maro ou Koji Wakamatsu. Parfois Araki s’arrête et fait de
l’art, imprime sa puissance photographique sur une série, comme les fleurs ou les portraits comme celui splendide de Maro en train de fumer.
Mais cette beauté intensive, ne serait rien sans son pendant extensif, cette longue série d’instantanés qui racontent une vie. Araki, on a l’impression que c’est 1000 photos par seconde, presque dans le but de rendre impossible un futur catalogue raisonné.
Mais cette beauté intensive, ne serait rien sans son pendant extensif, cette longue série d’instantanés qui racontent une vie. Araki, on a l’impression que c’est 1000 photos par seconde, presque dans le but de rendre impossible un futur catalogue raisonné.
Car comment justement « raisonner »
un flux de vie désordonné, sensuel, qui, dans son immédiateté est un défi
constant à la mort.
Car en vérité, c'est la vie elle-même
!