Le 10 juillet 2015, je présentais un cours de cinéma au Forum des images sur le thème de l’adolescente japonaise. Sujet qui ne fait pas que traverser la littérature, les mangas et le cinéma mais qui, en chair, en os et minijupe sillonne surtout les rues de Tokyo. J’en profitais pour attaquer quelques idées reçues : l’uniforme n’était pas un signe de soumission mais bien au contraire d’émancipation lorsqu’au début du XXeme siècle les jeunes filles quittaient leurs kimonos pour aller à l’école ou faire du sport. C’était au contraire une façon de libérer l’esprit et le corps du féodalisme. Qu’il soit devenu un objet de fantasme, c’est une toute autre histoire.
Durant mes recherches, je découvrais une auteur de romans pour jeunes fille (ou
« class S » ou encore « yuri »), sorte de version Japonaise
de Colette : Nobuko Yoshiya, dont
les œuvres sont centrées sur des « jeunes filles en uniformes »,
dévorées par des passions homosexuelles. Autre plaisir, et pas des moindres,
projeter sur l’écran de la salle 500 du forum le clip Aitakatta des AKB48. Pourtant ces idoles de 15 ans qui
envahissent le cinéma et la chanson ne sont pas que des poupées kawai en
costume marin. Impératrices des signes, les adolescentes sont d’abord animées
par la passion de la métamorphose, des jeux de rôle, et de l’hybridation.
Romantique, androïde, guerrière ou transgenre, l’adolescente devient, chez des
cinéastes tels que Shinji Somaï (Sailor Suit
& Machine Gun), Nobuhiko Obayashi (House) ou encore Sono Sion (Love
exposure), une créature expérimentale et panique.
Qui est donc alors l’adolescente
japonaise : une figure de l’émancipation, de la consommation ou du chaos ?
Trois extraits en intégralité
Sailor Suit and machine gun (Shinji Somai, 1981)
The Cherry Orchad (Nakahara Shun, 1990)
Helter Skelter (Mika Ninagawa, 2012)
Iconographie
Hideko Takamine à 16 ans |
Momoe Yamaguchi
Hiroko Yakushimaru
Catalogue Rocco Nails
Catalogue Olive des Olive
Schoolgirl Complex
Schoolgirl
Complex (2010) est une très
belle série de livres de photos signées Aoyama Yuki, qui envisagent l’écolière
comme une créature quasi fantastique, une espèce à part. Il n’y a jamais de
visage mais des fragments de corps et de vêtements. Ces corps tirent partie des
pouvoirs de l’uniforme (états oniriques qui leur permet de se dégager de
l’apesanteur) mais semblent également lutter contre la loi que leur imposent
ces quelques pièces de tissus. Postures extraordinaires, torsions de corps qui
amènent au-delà de la forme humaine, contamination par les fétiches (un visage
dévoré par les rubans), l’univers de Schoolgirl
Complex est forcément trouble
et Aoyama Yuki multiplie les images floues derrière des vitres ou des voiles.
Ces écolières sans visages montrent la formation des désirs, embryonnaires, qui
tentent de se dégager de leur chrysalide ou en tout cas d'un carcan social.
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