Malgré sa mort prématurée à 45 ans en 1986, l’œuvre de Kazuo
Kamimura est immense et couvre l’âge d’or de l’ère Showa. Si Lady Snowblood
(1972) fut longtemps chez nous son manga le plus connu, grâce à l’adaptation cinématographique
avec Meiko Kaji, on a découvert ses dernières années ses romans graphiques sentimentaux
comme Lorsque nous vivions ensemble (1972) et Le Club des divorcés (1974) ou
même sadomasochistes comme Les Fleurs du mal (1975). La chaîne de librairie japonaise
Mandarake sortit en 2011 un très bel album consacré à son travail d’illustrateur.
Car c’est là-aussi que s’exprime le génie de Kamimura, en particulier dans ses
pochettes de disques pour les musiciens Enka. Si le genre remonte au début du
XXe siècle, sa popularité connu un regain dans les années 70 lorsque la Enka se
mâtina de jazz et de sonorités pop. Le style mélodramatique de Kamimura ne
pouvait que s’adapter à cet univers ultra-romantique, larmoyant dans le bon
sens du terme, et mélancolique. Ses pochettes sont la plus belle explication de
ce que peut être la Enka, avec ses bars où rêvassent les jeunes femmes devant
un cocktail, une cigarette à la main, ses plages plongées dans un automne
éternel, et surtout ces larmes qui sans fin coulent des paupières de ses héroïnes.