lundi 11 juin 2018

Morita Doji (1952-2018)


Morita Doji est morte le 24 avril.
Son décès a été annoncé dans le bulletin de JASRAC (association des auteurs de musique)
 

Mon article sur Morita ici

lundi 19 février 2018

Ouvert de minuit à sept heures du matin

La Cantine de minuit de Yarô Abe

Où se trouve la Cantine de minuit à Tokyo ? Tout près de Kabukichô puisque c’est là où travaille Marilyn la stripteaseuse (les œufs de colin, vol.1), pas loin non plus de Nichome, le quartier gay ou se trouve le bar du travesti Jun (le nattô, vol.1), et à quelques minutes du sanctuaire Hanazono (Les Inarizushi, vol.2) d’où sortent certaines clientes qui sont peut-être des femmes-renards. Il ne fait donc guère de doute que la cantine se trouve à Golden Gai. Ce n'est qu'une gargote comme les autres, qui ne paye pas de mine. On remarque qu’Abe dessine rarement l’extérieur du bar, excepté la première planche de la première histoire. Pour le reste nous ne quittons presque jamais les quelques mètres carrés de ce petit théâtre des nuits de Shinjuku. Si Ozu, selon l’expression consacrée, filmait à hauteur de tatami, Abe dessine à hauteur de comptoir.
Les personnages sont coupés à la taille et les cadrages alternent le point de vue du patron et ceux des clients. Cet art minimaliste repose sur le talent de portraitiste de Abe qui en quelques traits fait exister ce petit peuple noctambule de yakuzas, boxeurs, livreurs, hôtesses de bars, bohèmes et surtout d’oyaji-san, ces quinquagénaires à lunettes, en costard-cravates et dégarnis, salarymen ou patrons de petits commerces, qui viennent oublier leur célibat ou retarder le moment de rentrer au foyer. C’est ce qui prouve que la Cantine est très loin de la nouvelle vague des bars, plus rock et exubérants, de Golden Gai. L’autre talent d’Abe est bien sûr de donner une âme aux plats que sert le patron à la demande de ses clients : les fils de nattô, l’algue grillée qu’on entoure sur une boule de riz, la tranche de porc frémissant dans le ramen, le bacon croustillant… Et le curry de la veille est toujours meilleur, bien sûr. La cuisine de nuit fait partie de l’esthétique de ces bars, au même titre que les chansons pop de l’ère Showa. C’est bien souvent par la commande d’un de ces plats qu’Âbe commence son récit, qui va mener à une peine de cœur, une idylle inattendue, des retrouvailles ou une histoire d’amitié. 
Mais il y a autre chose, indéfinissable et émouvant, qui montre combien Abe est parvenu à saisir l’atmosphère particulière de Golden Gai. Il s’agit de l’entrée en scène des clients qui, ouvrant le rideau, apparaissent dans l’encadrement de la porte du bar.

Cela provoque, si l’on est un nouveau client un instant d’étonnement chez le patron ou la mama-san, et si l’on est un habitué, un salut chaleureux qui est comme un retour à la maison. On n’a alors besoin que d’un bol de soupe et d’un verre de saké, pour atteindre un bonheur doux et complet. Et s’il pleut sur Golden Gai, la nuit pourrait bien durer un million d’années.

Sinon, la Cantine de minuit fait désormais partie de la culture de Golden Gai puisqu’on la retrouve sur le guide qui recense les centaines de bars.





La Cantine de minuit est bien sûr édité par Le Lézard noir



Quelques vues de Golden Gai




dimanche 15 octobre 2017

hIstOIres

Histoire de l’Oeil

Story of the Eye

Story of I

Story of O

Histoire d’O



vendredi 13 octobre 2017

Natsume Masako, la beauté absolue a aussi un nom, et un visage

La phrase est une de mes préférées de Sans soleil de Chris Marker
Pour exorciser l’horreur qui a un nom et un visage, il faut lui donner un autre nom et un autre visage. Les films d’épouvante japonais ont la beauté sournoise de certains cadavres. On reste quelquefois sonné par tant de cruauté, on en cherche la source dans une longue intimité des peuples d’Asie avec la souffrance, qui exige que même la douleur soit ornée. Et puis vient la récompense : sur la déconfiture des monstres, l’assomption de Natsume Masako. La beauté absolue a aussi un nom, et un visage.
Elle m’a accompagnée tout au long de la rédaction de mon livre sur les fantômes japonais. Elle contenait bien sûr une énigme : qui était Natsume Masako ? Dans le chaos d’images de spectres, de femmes-chats et de tête volantes, elle pourrait passer presque inaperçue, c’est la cavalière portant une coiffe étrange.

Les images sont tirées du feuilleton très populaire Sayuki (1978-1979) ou Monkey en occident, la série ayant été achetée et doublée par la BBC. Dans cette adaptation de la légende chinoise du Roi Singe, Natsume Masako interprète Sanzo Hoshi, une bonzesse qui libère le héros, emprisonné depuis 500 ans par Bouddha dans une montagne.
Masako n’est pas la plus connue des actrices japonaises en Occident, et on peut supposer que c’est en regardant la NHK que Marker a appris son existence et son visage félin ne pouvait que le charmer.
Morte d’une leucémie en 1985 à seulement 27 ans, Natsume Masako n’a pas eu le temps d’avoir une longue carrière. Cependant on peut la voir dans The Catch, un des chefs-d’œuvre de Shinji Somaï, dans le rôle de la fille du pêcheur interprété par Ken Ogata.





mardi 12 septembre 2017

Dracura à Tokyo

En 2010, parcourant "Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte" (IMHO), je tombe sur ce texte, "Carnet de bord de Corée -L’archipel japonais en sang", et sur cette note d'introduction :

"Carnet de bord de Corée » a été publié pendant l’automne 1973 dans le premier numéro de la revue Dorakyura (Dracula*) dont le rédacteur en chef était Juro Kara. Ce texte aborde la relation entre la Corée et le Japon et la situation de l’Asie de l’Est."

Me revient à l’esprit une petite revue achetée cet été à Nakano Broadway pour sa couverture bizarre et ses illustrations macabres.





Automne 73, Dracula ou "Dracura"... tout concorde.

Tenir entre ses mains une revue conçue par Juro Kara est déjà émouvant puisqu’il s’agit du mythique chef d‘une troupe situationniste du Tokyo des années 60. Il joue le rôle principal des Anges violés de Wakamatsu et apparaît avec ses comédiens dans Journal d‘un voleur de Shinjuku d‘Oshima (c‘est lui qui surgit en pagne en plein Shinjuku).

Je parviens à identifier dans le sommaire la texte de Wakamatsu.

J’en reproduis ici le premier paragraphe traduit en français dans Cinéaste de la révolte.

«Juro Kara prend le mythe du vampire à bras le corps. Je suppose que chez lui verser et sucer le sang représente la souffrance d’être au monde. Quel genre d’élan peut bien le pousser à aborder un tel sujet ? D’une manière générale, lorsque mes amis abordent le thème du sang et de la couleur rouge vif, ils dévoilent — l’espace d’un instant — une joie extrêmement intense ou prennent alors l’air de quelqu’un révélant un peu d’une pensée secrète. Pour ma part, la vue de mon sang, des règles de ma mère, ou du soleil rouge figurant sur le drapeau japonais n’ont jamais suscité de sentiments précis chez moi.»

La suite ici en Japonais.











La revue est aussi bourrée de collages, de BD surréalistes, ainsi que d’une illustration hilarante de Shigeru Mizuki où des pénis/chauve-souris attaquent Tokyo.