Affichage des articles dont le libellé est angura. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est angura. Afficher tous les articles

dimanche 13 décembre 2020

Le Labyrinthe d’herbes de Shûji Terayama



Le domaine de la porte noire

 

L’édition en Bluray de Sans soleil de Chris Marker par Potemkine (voir ici) est un évènement, et même un double évènement puisqu’elle recèle parmi les bonus la première édition française d’un film de Shûji Terayama : Le Labyrinthe d’herbes (1978), un des récits de Collections privées qui réunissait également des films de Walerian Borowczyk et Just Jaeckin.

Après les images d’une mer au ciel violet, la voix d’une femme :

« Ceci est l’histoire d’un homme à la recherche d’une chanson d’enfance. »

La voix de la narration française est celle de Florence Delay et l’adapteur du texte japonais un certain Boris Villeneuve qui n’est autre que Chris Marker. Ainsi, deux ans avant Sans soleil, Le Labyrinthe d’Herbes est la première lettre envoyée par Sandor Krasna à sa correspondante. Une lettre qui déjà venait du Japon, depuis les plis du temps. La comptine fantôme est la quête d’Akira, un jeune homme à la recherche de ses origines. Terayama adapte un récit de Kyoka Izumi, maître du fantastique japonais dont Seijun Suzuki tira le film Brumes de chaleur* (1981). Les deux films ont d’ailleurs bien des points communs par leur théâtralité, leurs macabres panneaux peints (chez Terayama par le mangaka Kazuichi Hanawa) et leurs femmes doubles et mêmes triples. La femme miroir chez Terayama est bien entendu la mère. C’est elle que recherche Akira dans son propre passé, en suivant le fil d’Ariane de la comptine. Dans L’Intendant Sansho de Mizoguchi, la mère compose également une chanson en espérant qu’elle traversera le pays et que le destin la fera entendre à ses enfants. Y a-t-il une tradition japonaise des chansons messagères ?

Comme dans Cache-cache pastoral où le cinéaste revient dans la région de son enfance sous l’apparence d’un écolier fantôme au visage fardé de blanc, deux Akira ne cessent de se croiser : un adolescent d’une quinzaine d’année et un jeune homme qui doit en avoir entre 25 et 27.




Il y a également deux femmes qui hantent son enfance : la première est sa mère qui comme toujours chez Terayama est une araignée possessive et séductrice, étouffant la sexualité de son fils et qui lui lance cette terrible malédiction :

« Tu seras mon fils pour l’éternité »

La seconde est une sauvageonne recluse dans une grange.

La mère raconte : « - Chez nous la légende veut que le jour du taureau, la femme de 20 ans qui n’a pas encore de mari, change de vêtement, prenne un bain, se lave les cheveux, se farde légèrement, et s’enferme dans une chambre bien close. Elle se met face au mur pour bien rassembler son âme et puis elle prie. Alors doit apparaître dans le miroir l’image de l’homme qui nous est destiné depuis notre vie antérieure. Mais pour cette femme-là, aucune image n’est apparue. Elle a attendu un an, deux ans, au bout de trois ans elle est devenue folle. Elle reste enfermée dans la grange. Quelquefois elle sort au clair de lune à la recherche d’un homme.

-Et si elle sort pour moi ? demande Akira. Et si elle veut encore m’entraîner.

-N’ais pas peur, ta mère est près de toi. » 




Et pour le soustraire à la tentation, elle le ligote à un arbre et trace au pinceau, sur son visage et ses vêtements, une formule magique qui n’est autre que les paroles de la comptine. Ainsi cet air mystérieux n’aurait jamais été chanté mais Akira en garderait le souvenir marqué à même la peau.

Boule qui roule comme la lune

Boule très douce comme ma mère

Mon premier est une boîte

Mon second du fil rouge

Mon troisième une robe de fête à larges manches

Le tout pour O-Haru qui est peut-être morte

Mais je ne sais pas où.

Le garçon est comme Hoïchi sans oreille dans Kwaidan de Masaki Kobayashi, ce moine joueur de biwa auquel les spectres de samouraïs demandent de chanter la grande bataille navale qui provoqua leur mort.



Des démons viennent chuchoter aux oreilles d’Akira et lui racontent une toute autre histoire.

La sauvageonne aurait été une domestique soi-disant nymphomane, séquestrée par une mère cruelle, violée par le mari et enfermée dans la grange depuis dix ans. Le mari, le père d’Akira est cet officier de marine disparu, dont la tenue militaire blanche est suspendue comme un spectre dans la maison.

La sauvageonne est-elle un spectre ? N’est-elle pas aussi l’autre mère que recherche Akira, guidé par la comptine ?

A travers le temps, dans cette dimension mélancolique qui résonne de plaintes d’amours spectrales, c’est un jeu de cache-cache entre les fils et les mères, les amants et les maîtresses.

« Akira retourne au domaine de la porte noire, sa maison d’enfance. »

Au bout du labyrinthe, une image d’enfance oubliée l’attend, image impossible et incestueuse où le temps semble s’être replié sur lui-même.



 *Brumes de chaleur fait partie de la Trilogie Taishô de Seijun Suzuki, avec Mélodie Tzigane et Yumeji, éditée par Eurozoom.

jeudi 5 novembre 2020

Je voyage dans ma bibliothèque japonaise : Danse double de Chikashi Kasai et Akira Kasai

Le butô est une danse mais ce peut-être aussi un livre de photo comme Kamaitachi (1969) d’Eiko Hosoe où Hijikata danse dans entre les bicoques et les champs d’un village de son nord natal, ou comme Danse double (1993) de Chikashi Kasai photographiant son père Akira Kasai. Parmi les danseurs butô, il y a un lien fort entre les pères et le fils. Le légendaire Kazuo Ohno dansait avec son fils Yoshito Ohno les pièces My Mother et Dead Sea. Chikashi Kasai est né en 1970 et son travail a été découvert dans les années 90 par Nan Goldin qui préfaça son recueil Tokyo Dance (1997). Akira Kasai est né en 1943 et est considéré comme un des pionniers du butô, bien que cadet de Hijikata et Ohno dont il fut le partenaire. In 2012, Kasai a travaillé avec Akaji Maro autre danseur mythique des années 60 et 70 pour la pièce Hayasasurahime. Kasai a parfois été comparé à Nijinski mais aussi à Mick Jaeger et au Mime Marceau. Sa danse est ainsi métissée et expressionniste, ce qui peut aussi s’expliquer par son séjour en Allemagne de 79 à 85. Danse double est un duo entre un photographe et un danseur, un fils et son père. C’est une œuvre charbonneuse, où le photographe est fasciné par le visage convulsif du danseur, en saisit la fureur, l’extase ou la séduction, l’extirpe des ténèbres, le pâre de tissus scintillants, en fait un vieil homme, une femme ou un enfant. Le fils fait renaître son père dans ses photographies. Mais cette danse double lorsque Kasai, tenant un miroir, prend son reflet pour partenaire, n’est-ce pas aussi la danse et son double ? Regardez son visage. Ne voit-on pas Antonin Artaud prendre possession d’Akira Kasai?














vendredi 15 mai 2020

Les Funérailles des roses



Si l’on imagine un symbole de la fin des sixties japonaises, ce serait un étudiant casqué, au visage tuméfié par les combats avec la police. Les Funérailles des roses (1969), le chef-d’œuvre de Toshio Matsumoto (1932-2017), dévoile une autre image des années rouges : une poupée androgyne, dopée au rock électrique, qui traverse un Tokyo en ébullition.

Flamboyantes créatures


Alors que ses pairs de la nouvelle vague venaient des grands studios (Oshima), du pinku-eiga (Wakamatsu) ou du documentaire (Susumu Hani), Matsumoto était un pionnier du cinéma expérimental japonais. Dès les années 50, au sein du collectif intermédia Jikken Kobbbo, il réalise Bicycle Dreams (1956), décomposition rêveuse des éléments d’une bicyclette avec Eiji Tsuburuya (Godzilla) aux effets spéciaux et Toru Takemitsu à la musique. Ce formalisme sensible s’exprimera dans les documentaires expérimentaux The Weavers of Nishijin (1961) sur les tisseurs ou The Song of Stone (1964) sur les tailleurs de pierres, qui plongent dans les matières et les traditions. A la fin de la décennie, l’intérêt pour les « gay boys » (ce qui désigne aussi bien les jeunes homosexuels que les travestis) aussi appelés « roses », lui fournit le sujet de son premier long métrage produit par la compagnie indépendante ATG. Les Funérailles des roses, allait ainsi être le premier film japonais consacré au milieu homosexuel et un creuset de contre-culture. 
Le court métrage expérimental For the Damaged Right Eye (1968), tourné pendant la préparation du film, associe en triple projection une fête de futen (les hippies japonais), des portraits des Beatles, des peintures pop de Tadanori Yokoo, des émeutes et des séances d’agit-prop. S’élevant des surimpressions psychédéliques, un garçon se maquille, enfile une robe et quitte son appartement, car « sortons dans la rue ! » était le mot d’ordre de la jeunesse révolutionnaire. Pour Matsumoto, la « guerre de Tokyo » est autant sexuelle, que cinématographique et politique. On ne trouvera cependant pas de discours idéologique dans Les Funérailles des roses, mais une rébellion permanente de la chair. Les jeunes travestis des clubs, dégagés du fard blanc, des kimonos et des poses des onagata, les « formes de femme » du théâtre kabuki, n’aspirent qu’à la jouissance et insufflent au film leur énergie transgenre et leur passion de la métamorphose. Mixant le mythe d’Œdipe à un panorama de l’angura (underground) japonais, Les Funérailles des roses, alterne avec une virtuosité folle comédie pop, documentaire et déflagrations expérimentales. Matsumoto parle du « labyrinthe de l'androgynie », ce qui est aussi une façon de définir la nature hétérogène, composite et sans cesse surprenante du film.

Pour incarner Eddie/Œdipe, il fallait aux Funérailles des roses une figure absolument neuve, jamais vue dans le cinéma japonais. Le héros classique de la nuberu bagu (nouvelle vague) était un étudiant timide, « bloqué » autant sexuellement que politiquement, tels les garçons en chemises blanches de Wakamatsu ou de Premier amour version infernale de Susumu Hani. Alors âgé de 17 ans, Peter, de son vrai nom Shinnosuke Ikehata, n’a rien à voir avec ces figures de l’échec. Quel que soit l’ostracisme de la société et le destin tragique de son personnage, Peter vit pleinement sa sexualité, et joue de son identité avec un humour un peu voyou. Même Miwa, célèbre chanteur travesti et interprète du Lézard noir de Fukasaku, apparaît soudain daté, comme une diva existentialiste. Ce qui surgit dans le cinéma japonais n’est pas seulement un homosexuel assumé ou un travesti charismatique, mais bien une actrice plus rock que ses contemporaines. 

Avant de trouver son Œdipe, Matsumoto avait déjà auditionné une centaine de gay boys, car il était évident que seul un non professionnel issu de ce milieu pouvait incarner le personnage. Sur les conseils de l’écrivain Ben Minakami, il se rendit sans trop y croire dans un club de Roppongi où officiait un très jeune garçon surnommé Peter à cause de ses collants et de son physique d’elfe rappelant Peter Pan. Matsumoto raconte comment le club plongé dans la pénombre sembla s’illuminer à l’apparition du futur acteur. Cet éblouissement originel, Peter va le conserver lors des scènes d’amour, sa peau irradiant l’image jusqu’à la surexposition. Matsumoto, grand connaisseur des classiques de l’expérimental américains, cite comme influence Flaming Creatures (1963), le « scandaleux » film underground de Jack Smith, où une drag queen vampire, se relevant d’un cercueil empli de fleur, semblait brûler la pellicule. Ainsi la lumière qui mieux que l’obscurité rend indéfinissable son genre est le premier travesti de Peter, le dotant d’un corps autant érotique que poétique et expérimental. Matsumoto et le grand chef opérateur Tatsuo Suzuki poussent l’exposition jusqu’à l’Effet Sabatier, cette solarisation pratiquée par Man Ray et très en vogue chez des photographes japonais comme Araki. A la fois fille et garçon, le corps de Peter devient positif et négatif, soleil et nuit, comme l’androgyne originel des temps du chaos. 

S’ouvrant par une citation de Baudelaire (« Je suis la plaie et le couteau, et la victime et le bourreau ») et s’achevant par une autre de René Daumal (« L’esprit individuel atteint l’absolu de soi-même par négations successives »), Les Funérailles des roses est empreint de culture française et rend principalement hommage à Jean Genet alors icône de l’avant-garde japonaise. Le nom du club de travestis, « Bar Genet », peut sembler un hommage naïf mais il est aussi documentaire. On trouve des Bar Genet dès les années 50, et encore de nos jours certains établissements se nomment « June » ou même « Jan June ». Le titre ainsi que la scène des funérailles du travesti Leda sont inspirés par l’enterrement sous la pluie de Divine dans Notre-Dame des fleurs, escorté au cimetière de Montmartre par ses compagnons fardés. C’est dans le monde criminel de Genet, hanté par les couteaux, les fleurs et le sang, que Matsumoto fait rejouer Œdipe par les garçons de Shinjuku. Travestir l’œuvre de Sophocle relève de l’esthétique camp qui est une autre façon d’affronter l’exclusion. Le visage détruit d’Eddie à la fin du film est la métaphore de la violence exercée contre les gay boys et plus généralement contre la jeunesse. Ce qui fait la force encore intacte des Funérailles des roses est justement la place accordée aux visages comme revendication de l’identité et de la révolte : celui bien sûr magnétique et multiple de Peter, passant de l’écolier terrorisé à la reine de la nuit, mais aussi ceux des homosexuels dont Matsumoto recueille le témoignage ou des futen en train de planer. 

Après la révolution

Les cinéastes de la nouvelle vague japonaise étaient tous de grands cinéphiles fascinés par la modernité européenne. Matsumoto ne peut résister à placer Peter devant une affiche d’Œdipe Roi de Pasolini qui vient de sortir à Tokyo mais avoue surtout l’influence de L’Année dernière à Marienbad. Comme Delphine Seyrig, Eddie ne cesse d’être désorienté, de s’évanouir et de revenir à des scènes antérieures, certaines répétées trois fois. Dans ce destin bouclé par la fatalité, les flashbacks et flashforwards, le passé et le futur, finissent par se confondre, transformant le film en labyrinthe et le faisant repasser sans fin par les mêmes images. Tout en la fuyant, Eddie recherche dans les plis du temps une vérité insoutenable et aveuglante. 
La visée de Matsumoto, comme celle de Resnais, est également historique lorsque Peter croise une procession d’hommes endeuillés et masqués, portant sur leur poitrine une urne funéraire. Il s’agit du groupe de happening Zero Jigen investissant l’espace urbain avec des gishiki (rituels) apocalyptique. Représentant des soldats ramenant au pays les cendres de leurs camarades morts, les Zero Jigen font ressurgir un passé tabou pendant le miracle économique. La réinterprétation d’Œdipe par les travestis participe d’une même logique de performance chamanique, s’achevant par l’exposition violente de Peter, les yeux crevés, en pleine rue de Tokyo, face aux passant pétrifiés. Dans le livret vendu par l’ATG dans les cinémas, Matsumoto écrit : « Comme la foule désorientée qui regarde Eddie couvert de sang, le spectateur des Funérailles des roses doit ressentir comme un grincement de la conscience. Le message de mon film réside dans le souvenir de ce frottement intrigant et inconfortable. » Dans les deux cas, la parade funèbre est celle d’une jeunesse détruite par un pouvoir cannibale.
On peut se laisser étourdir par la vitesse des unions libres associant l’expérimental au narratif, le réel au mental, le documentaire au mélo queer, cependant Les Funérailles des roses est construit de façon rigoureusement dialectique, chaque élément amenant son opposé et son questionnement. Le jeune travesti devient ainsi le point de rencontre catastrophique entre les courants libertaires de son époque et ceux de la contre-révolution capitaliste. Eddie connaît deux histoires d’amour : celle avec Gonda, le patron du Bar Genet, et celle avec « Guevara », jeune futen et cinéaste expérimental. Ce sont deux conceptions du cinéma et de la société qui s’opposent. Le patron du club, père et amant, proxénète et trafiquant de drogue, est interprété par le seul acteur professionnel de la distribution, Yoshio Tsuchiya, un des sept samouraïs de Kurosawa, comme si le pouvoir appartenait encore au cinéma japonais traditionnel. 


Du côté de l’underground, dans un minuscule appartement transformé en Factory, les hippies refilment sur une télévision les images distordues des émeutes, et dissertent sur les théories de Jonas Mekas : « Toutes les définitions du cinéma ont été détruites. Les portes sont maintenant ouvertes. » Lors d’une extraordinaire séquence de bacchanale, Matsumoto fait converger toutes les énergies de cette jeunesse expérimentant la sexualité, les drogues et le cinéma. Cependant Eddie, qui était une figure en mouvement perpétuel, se fixe, prend possession du Bar Genet et croit naïvement en une vie de couple classique. Dans l’appartement conjugal, c’est autant le jeune homme que la mise en scène qui est domestiquée, se découpant en cadres fixes et lumière atone, loin des expérimentations déchaînées et des extases stroboscopiques. Que raconte le mythe d’Œdipe sinon le caractère maudit du pouvoir qui fait tout perdre à son possesseur, jusqu’à son passé et la possibilité d’un avenir. L’inceste se situe à cet endroit, lorsque l’ancienne génération parvient à séduire la jeunesse, en troquant leurs idéaux contre les illusions consuméristes. Les Funérailles des roses pressant la fin des utopies des sixties mais reste un de ses plus flamboyants chants d’amour. 
Après Les Funérailles des roses, Matsumoto réalise le délirant drame en costume Pandemomium (1971) tourné entièrement en clairs-obscurs, puis Dogra Magra (1988) une adaptation du roman halluciné de Yumeno Kyusaku. Sa véritable production relève cependant de l’expérimental et de l’art-vidéo pour lesquels il tourne de nombreux classiques jusque dans les années 90 comme Mona Lisa ou At-man. A la différence de bien des acteurs de la Nouvelle vague japonaise, Peter ne disparaitra pas après Les Funérailles des roses. Alternant cinéma et chanson, il devint surtout une personnalité excentrique prisée des plateaux de télévisons. Après Le Shogun de l’ombre (1970) de Kenji Misumi, un de meilleurs films de la série Zatoïchi, et Les Fruits de la passion (1981) de Shuji Terayama, c’est Akira Kurosawa qui lui offre avec Ran (1985) le second grand rôle de sa carrière. Kurosawa, comme Matsumoto, inverse les genres du Roi Lear de Shakespeare et transforme les filles du souverain en fils. Dans le rôle du « fou » Kyoami, Peter incarne encore fois la jeunesse, les arts et le plaisir, face à un pouvoir vieillissant et destructeur. 

(texte publié dans Les Cahiers du cinéma n°752, février 2019)

jeudi 21 février 2019

Les Funérailles des roses par Bertrand Mandico

Les funérailles des roses de Toshio Matsumoto (Funeral Parade of Roses, 薔薇の葬列, Bara no Sōretsu, 1968),

mercredi 19 décembre 2018

Muhammad “UCUP” Yusuf

J'ai découvert les gravures sur bois de l'artiste indonésien Muhammad “UCUP” Yusuf en novembre à l'exposition "Catastrophe and the Power of Art" du Mori Museum à Roppongi. C'était de loin les œuvres les plus marquantes. Avec le collectif d'artistes activistes Taring Padi, militant pour les droits des paysans, il mêle  la magie, l'horreur et la politique, avec une énergie noire rappelant les comix underground et la grande peinture révolutionnaire d'Amérique du sud. 












MUHAMMAD “UCUP” YUSUF A native of Yogyakarta, Muhammad “UCUP” Yusuf has been involved in artbased protests as part of the Taring Padi collective since the late 1990s. He believes that art is an invaluable tool that fosters understanding and tolerance in society. His newly created woodblocks and woodblock prints reveal his efforts for social change while offering a glimpse of some of the rural communities that are close to his heart. The intricately executed images narrate stories on current disputes over land expropriation and illegal development in Indonesia. Black Coal Dark Energy, for instance, refers to a recent debate about a coal power plant in Central Java. It shows a sea of solemn-faced people beneath angry signs with statements including “Don’t take our land” and “Why state violence against own people.” A larger banner reads “Land and water, our flesh and our blood, we take care until the end” echoing the resolution of the people. The choice of medium of woodblock engravings is significant as throughout history it has been harnessed to create political propaganda. 
Muhammad “UCUP” Yusuf studied painting at the Indonesian Institute of Arts, Yogyakarta, where he graduated in 2005. Alongside a number of prominent private collections in Indonesia and abroad, his works are in the permanent collections of the Palace Museum Yogyakarta, Indonesia; Singapore Art Museum; Fukuoka Asian Art Museum, Japan; and the Queensland Art Gallery of Australia. His work has been exhibited at such institutions as the Museum of Contemporary Art Lyon, France; Yokohama Museum of Art, Japan; and the Jogja National Museum, Indonesia. 
Born in Lumajang, Indonesia, 1975 | Lives and works in Yogyakarta
Extrait du catalogue REV | ACTION, CONTEMPORARY ART FROM SOUTHEAST ASIA, curated by Loredana Pazzini-Paracciani.  Sundaram Tagore Gallery, 2015

le site de Taring Padi

samedi 25 mars 2017

vendredi 16 décembre 2016

Le bruit des chrysanthèmes . Duo Henritzi x Higashi


Le 9 décembre, Le BAL présentait en clôture une performance de Michel Henritzi (lapsteel) et Yôko Higashi (danse), en clôture de l’exposition Provoke.

Michel Henritzi parle sur son blog (ici) de leur collaboration
« Le bruit des chrysanthèmes, comme le cri des ombres blanches gravé sur les pierres tombales de Hiroshima. Nous n'avons pourtant rien vu à Hiroshima, ni à Alep, ni ailleurs. D'autres âmes s'évaporent et tournent sans fin dans la nuit depuis, encore, chaque jour recommencé ...
Cette performance s'inscrit à la façon d'une calligraphie sur une toile sonore bruitiste jouée du côté d'une "Metal Machine Music". Danse nourrie par le butoh, plus que dans sa répétition, réapprendre a danser avec nos ombres, nos fantômes, les yokai modernes grimaçants. Le bruit est celui du corps de la danseuse, de son souffle, les chrysanthèmes comme des particules sonores recouvrant sa danse, l'espace intérieur/extérieur. Le bruit des pétales qui tombent au sol, insoutenable, indicible.

Yôko Higashi danse sur la lame du couteau de l'existence, let it bleed. Viendra le silence de nos prières. »


Quelques questions à Yôko.

Ta danse était-elle improvisée ?  
Yôko Higashi : J’ai imaginé une trame en observant le lieu de la performance (la salle en sous-sol du BAL), comme s’il y avait une histoire à suivre sans qu’elle soit concrètement visible à travers mes mouvements. Au moment de la performance, en recevant la musique dans mon corps, j’ai improvisé tout en gardant cette sorte de cette « trame » à l’intérieur de moi.

La musique aussi ?
Je crois que la musique est totalement improvisée. Je pense tout de même qu’il y avait quelques intentions de la part de Michel pour ce duo. Son impro n’est pas venue d’un état complètement blanc ou vide.

Tu avais déjà travaillé avec Michel Henritzi ?
Oui, nous avons fait une performance à l’école media art EMA fructidor à Chalon, en juin 2016.

Qu’est-ce qui te plait dans sa musique ?
Son côté « rêve inquiétant » et « noise ».

Pourquoi « Le bruit des chrysanthèmes » ?
C’est Michel qui l’a nommée ainsi. Le chrysanthème est une fleur pour les morts. Toutes les catastrophes humaines récentes sont ancrées en moi, comme chez la plupart de gens. je suis traumatisée par certains évènements  comme la catastrophe de Fukushima, la guerre en Syrie par ex, et Je suis plutôt pessimiste en raison de certaines réalités désespérantes comme ce système créé par les banques et les multinationales sur lequel nous n’avons aucun pouvoir bien que vivant en démocratie. Cependant, je ne voulais pas non plus faire une performance illustrative ou accusatrice. Je ne veux pas mélanger ma pratique artistique à mon engagement personnel. Je crois que c’est pareil pour Michel. J’ai réalisé la performance en pensant vraiment au contenu de l’expo Provoke. Ce titre est venu lors de notre première performance à Chalon.

Avais-tu un personnage en tête ?
Un personnage existant ? Non.

Est-ce du butô ?
L’esprit est  Butô, je crois, mais après, je laisse au public déterminer si c’est du Butô ou pas !

Le maquillage très féminin (le noir autour des yeux, la bouche rouge) a-t-il un sens particulier ?
D’habitude, je ne me maquille jamais autour de mes yeux (et quant à ma bouche, je n’ai rien mis !), mais cette fois, en regardant l’expo, j’ai décidé de le faire. Cela faisait partie de mon costume qui allait avec cet espace, entouré des photos de Provoke.

A un moment tu relèves ta jupe et il y a une culotte avec des poils. Pourquoi ?
C’est un secret (rire). Ah une chose : ce n’était pas une culotte mais un « tsun-string de danseur de Buto » sur lequel j’ai cousu des plumes noires pour donner l’impression qu’il s’agit de poils  anormalement touffus. D’ailleurs, lorsque j’ai interprété une pièce de Buto chorégraphiée par Masaki Iwana il y a plus de 10ans, le tsun avec des faux poils (ce n’était pas des plumes alors) faisait partie de mon costume.

Que représente Provoke pour toi ?
Les initiateurs du mouvement parlaient de leurs photographies comme du "matériel provocateur pour la pensée" et j'y ajoute ma vision "provoke" comme performeur-danseuse. C’est-à-dire une connexion directe et instantanée entre le corps et la pensée, et cela rejoint le Bûto. C'est cela "Provoke" pour moi.




Le site de Yôko Higashi

Le site de Michel Henritzi