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jeudi 14 janvier 2016

David Bowie is… Japanese (2)


Furyo (1983)
Devant l’armée japonaise attendant la décapitation d’un prisonnier, le major Jack Celliers embrasse le capitaine Yonoi. Celui-ci blêmit et tombe à ses pieds comme une fleur coupée. Le rite de mort s’est converti en un rite d’amour tout autant fatal. Unis par un lien négatif, David Bowie et Ryuichi Sakamoto appartiennent à la lignée d’astres noirs à l’attraction destructrice du cinéma d’Oshima.
Comme R. le Coréen de La Pendaison, Celliers est l’ange exterminateur qui retourne la clôture du camp contre ses gardiens et les enferme dans leurs obsessions, leurs peurs et leurs désirs. Pourtant, ce qui foudroie Yonoi n’est pas seulement son amour pour Celliers mais la part sombre de ce dernier, ce qu’il croit avoir laissé derrière lui mais qu’il expie à l’intérieur du camp : le martyr de son petit frère bossu dans un collège anglais. On a l’impression que c’est l’infirmité du frère qui fait retour sur le corps de Yonoi et brise sa stature fasciste. Le Japon et l’Angleterre, empires déjà déchus ou proches de l’être, se rejoignent alors dans l’apologie des normes sexuelles et physiques. Ce qui rend la redécouverte de Furyo indispensable est aussi la présence de Kitano à 36 ans, alors comique de télévision, dans un contre-emploi alors imperceptible aux spectateurs occidentaux. L’amitié entre le sergent Hara et le colonel Lawrence forme ce second récit qui donne au film sont titre international : Merry Christmas Mr. Lawrence. A la fin de la guerre, Lawrence rend visite à Hara dans sa cellule, à la veille de son exécution. Le visage de Kitano, bouleversant de candeur, révèle que, sous la silhouette massive du soldat, se dissimulait un être perdu, autant manipulé par les puissances nihilistes que Boy, le petit garçon.

Extrait de l’article « Nagisa Oshima, sept cérémonies », paru dans Les Cahiers du Cinéma n°709, Mars 2015




vendredi 13 mars 2015

David Bowie is... japanese

C’est plus qu’une coïncidence mais un fait : mes amis qui aiment la culture japonaise sont tous fans de David Bowie. Les raisons sont évidentes, à commencer par l’attachement de Bowie lui-même au Japon, des fabuleux costumes créés par Kansai Yamamoto pour le Aladdin Sane Tour à son interprétation du Major Jack Celliers dans Furyo de Nagisa Oshima. Certaines connexions sont plus souterraines, ainsi Masayoshi Sukita, l’un des photographes attitrés de Bowie (de la période Ziggy Stardust à la pochette de Heroes) est aussi le chef opérateur de Jetons les livres et sortons dans la rue de Shuji Terayama.  Avant Furyo où le Japon de Riyuchi Sakamoto et la Grande-Bretagne de David Bowie se regardaient, la rencontre avait déjà eu lieu entre le cinéma électrique, fardé et teinté de rose de Terayama et le glam rock anglais.
Le hasard est toujours objectif.
Voici comment Shuji Terayama décrivait Masayoshi Sukita dans Zoom n°45, juillet 1977
«  C’est un homme galant et moustachu.
Une fleur à la bouche lui irait bien.
S’il a avale de la salade en mettant un disque des Rolling Stones, c’est qu’une atmosphère facile et frivole flotte autour de lui. Mais cela n’est qu’un «masque» pour survivre dans le monde de la photo, gouverné par le système marchand. En réalité, rien de cela ne l’abuse.
Il a souvent photographié des musiciens du monde entier. Mais il a toujours tiré de ces portraits, non seulement la beauté du sujet, mais encore les aspects vénéneux cachés derrière les expressions.
Les personnages étranges qui, dans ses films publicitaires, disparaissent en un clin d’œil en en laissant derrière eux que leurs costumes, ou bien encore ceux dont les visages deviennent invisibles, cachés par des oiseaux, voilà ce qui montre assez ce qui l’incline vers le surréalisme.
Il s’est chargé des prises de vues de mon film Jetons les livres, sortons dans la rue. Ses images comportent quelque chose de rarement vu dans le cinéma japonais. Dans la scène de football, on a lancé la caméra à la place du ballon, et on a joué le match. Dans la scène d’amour, l’actrice caressait la caméra.
Notre équipe était étonnée par ses tentatives d’introduire la caméra à l’intérieur du drame, par son désir de faire participer la caméra elle-aussi à la scène, au lieu de la cantonner à son rôle d’observateur.

Si les photographes essaient de saisir le monde invisible à nos yeux - le monde imaginaire - Sukita serait vraisemblablement celui qui s’ingénierait à être parmi les premiers. »





D'autres images de David Bowie par Masayoshi Sukita ici