dimanche 19 février 2017

Reiko Oshida, furyo shôjo


Les films de Sukeban (chef de gang) de Reiko Oshida pour la Toei, suivent la série des Stray Cat Rock de la Nikkatsu avec Meiko Kaji et précédent de peu ceux des stars du genre Reiko Ike et Miki Sugimoto. Extrêmement jolie, Reiko Oshida ne possède cependant pas le charisme des deux amazones qui semblent à peine « jouer » leurs rôles de jeunes délinquantes. Reiko Ike apparaît perpétuellement intoxiquée et disparaîtra des écrans après un scandale de drogue.  Miki, bronzée et athlétique, les cheveux châtains, présentait elle-aussi un nouveau genre de japonaises, bien moins docile que les actrices des romans pornos Nikkatsu. Il est cependant toujours un peu triste de les retrouver soumises dans les films de yakuza de Kinji Fukasaku. Comme si, face à Bunta Sugawara et Tetsuya Watari, les sukeban étaient obligées de filer doux.
Reiko Oshida était une starlette kawai et ses productions des films d’action pop dénués du sadisme halluciné qu’imposera le maître du genre, Norifumi Suzuki. Invariablement, Reiko Oshida sortait de prison et formait une bande avec d'anciennes détenues, autrefois rivales désormais à la vie à la mort. Chez les soeurs de sang de Reiko Oshida primait l'amitié chevaleresque et c'est toujours en voyant l'une des leurs agoniser dans leurs bras après avoir été massacrée par les yakuzas, qu'elles prenaient les armes. Dans Tokyo Drifters, la traversée de Kabukicho par les loubardes en manteaux rouges pour un ultime baroud d'honneur reste d'un romantisme absolu.  L’excitation que provoquaient ses films était toute simple : voir une bande de filles à la dernière mode de Shinjuku, découper au sabre des gangsters, incarnations grotesques du machisme.  








Delinquent Girl Boss: Blossoming Night Dreams (Yume Wa Yoru Hirakua aka Tokyo Bad Girls / ずべ公番長 ひらく, 1970)
Delinquent Girl Boss: Tokyo Drifters (Zubekô banchô: Tokyo Nagaremono aka Girl Vagrants of Tokyo / ずべ公番長 東京流, 1970)
Delinquent Girl Boss: Ballad Of Yokohama Hoods (Zubekô banchô: Hamagure Kazoe Uta / ずべ公番長 はまぐれ, 1971)
Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess (Zubekô banchô: zange no neuchi mo nai / ずべ公番長 ざんげの値打もない, 1971)


























Terayama 1967, Un Coup de Dés


vendredi 16 décembre 2016

Le bruit des chrysanthèmes . Duo Henritzi x Higashi


Le 9 décembre, Le BAL présentait en clôture une performance de Michel Henritzi (lapsteel) et Yôko Higashi (danse), en clôture de l’exposition Provoke.

Michel Henritzi parle sur son blog (ici) de leur collaboration
« Le bruit des chrysanthèmes, comme le cri des ombres blanches gravé sur les pierres tombales de Hiroshima. Nous n'avons pourtant rien vu à Hiroshima, ni à Alep, ni ailleurs. D'autres âmes s'évaporent et tournent sans fin dans la nuit depuis, encore, chaque jour recommencé ...
Cette performance s'inscrit à la façon d'une calligraphie sur une toile sonore bruitiste jouée du côté d'une "Metal Machine Music". Danse nourrie par le butoh, plus que dans sa répétition, réapprendre a danser avec nos ombres, nos fantômes, les yokai modernes grimaçants. Le bruit est celui du corps de la danseuse, de son souffle, les chrysanthèmes comme des particules sonores recouvrant sa danse, l'espace intérieur/extérieur. Le bruit des pétales qui tombent au sol, insoutenable, indicible.

Yôko Higashi danse sur la lame du couteau de l'existence, let it bleed. Viendra le silence de nos prières. »


Quelques questions à Yôko.

Ta danse était-elle improvisée ?  
Yôko Higashi : J’ai imaginé une trame en observant le lieu de la performance (la salle en sous-sol du BAL), comme s’il y avait une histoire à suivre sans qu’elle soit concrètement visible à travers mes mouvements. Au moment de la performance, en recevant la musique dans mon corps, j’ai improvisé tout en gardant cette sorte de cette « trame » à l’intérieur de moi.

La musique aussi ?
Je crois que la musique est totalement improvisée. Je pense tout de même qu’il y avait quelques intentions de la part de Michel pour ce duo. Son impro n’est pas venue d’un état complètement blanc ou vide.

Tu avais déjà travaillé avec Michel Henritzi ?
Oui, nous avons fait une performance à l’école media art EMA fructidor à Chalon, en juin 2016.

Qu’est-ce qui te plait dans sa musique ?
Son côté « rêve inquiétant » et « noise ».

Pourquoi « Le bruit des chrysanthèmes » ?
C’est Michel qui l’a nommée ainsi. Le chrysanthème est une fleur pour les morts. Toutes les catastrophes humaines récentes sont ancrées en moi, comme chez la plupart de gens. je suis traumatisée par certains évènements  comme la catastrophe de Fukushima, la guerre en Syrie par ex, et Je suis plutôt pessimiste en raison de certaines réalités désespérantes comme ce système créé par les banques et les multinationales sur lequel nous n’avons aucun pouvoir bien que vivant en démocratie. Cependant, je ne voulais pas non plus faire une performance illustrative ou accusatrice. Je ne veux pas mélanger ma pratique artistique à mon engagement personnel. Je crois que c’est pareil pour Michel. J’ai réalisé la performance en pensant vraiment au contenu de l’expo Provoke. Ce titre est venu lors de notre première performance à Chalon.

Avais-tu un personnage en tête ?
Un personnage existant ? Non.

Est-ce du butô ?
L’esprit est  Butô, je crois, mais après, je laisse au public déterminer si c’est du Butô ou pas !

Le maquillage très féminin (le noir autour des yeux, la bouche rouge) a-t-il un sens particulier ?
D’habitude, je ne me maquille jamais autour de mes yeux (et quant à ma bouche, je n’ai rien mis !), mais cette fois, en regardant l’expo, j’ai décidé de le faire. Cela faisait partie de mon costume qui allait avec cet espace, entouré des photos de Provoke.

A un moment tu relèves ta jupe et il y a une culotte avec des poils. Pourquoi ?
C’est un secret (rire). Ah une chose : ce n’était pas une culotte mais un « tsun-string de danseur de Buto » sur lequel j’ai cousu des plumes noires pour donner l’impression qu’il s’agit de poils  anormalement touffus. D’ailleurs, lorsque j’ai interprété une pièce de Buto chorégraphiée par Masaki Iwana il y a plus de 10ans, le tsun avec des faux poils (ce n’était pas des plumes alors) faisait partie de mon costume.

Que représente Provoke pour toi ?
Les initiateurs du mouvement parlaient de leurs photographies comme du "matériel provocateur pour la pensée" et j'y ajoute ma vision "provoke" comme performeur-danseuse. C’est-à-dire une connexion directe et instantanée entre le corps et la pensée, et cela rejoint le Bûto. C'est cela "Provoke" pour moi.




Le site de Yôko Higashi

Le site de Michel Henritzi