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samedi 2 janvier 2016

Balthus, version japonaise



Balthus a de longue date noué des liens avec la culture japonaise. Envoyé par Malraux en mission au Japon en 1961, il y rencontra son épouse, Setsuko Ikeda, qui deviendra le modèle de plusieurs de ses œuvres (La Japonaise au miroir, par exemple). Le photographe Shinoyama Kishin fit le voyage jusqu’à Genève pour mettre en scène le peintre avec une jeune fille blonde très «alicienne». On comprend ce qui attire les Japonais chez Balthus, en premier lieu cette représentation féminine juvénile, où l’érotisme nait d’une série de contraintes du corps. Nous ne sommes pas dans le shibari mais le corps est néanmoins dominé par les lignes dures des décors ou des meubles. Il y a aussi les chats aux traits presque humains, compagnons des jeunes filles, ironiques et un peu voyeurs.
L’imaginaire balthusien a imprégné la culture japonaise, au même titre que celui de Bellmer ou de Bataille, et on en retrouve la trace chez Suehiro Maruo, l’illustrateur eroguro, dont les adolescentes se retrouvent brisées en des postures douloureuses. 
L’une des dernières variations japonaises sur l’œuvre de Balthus est l’une des plus spectaculaires. Le photographe Hisaji Hara s’est livré à une série de relectures de peintures et dessins célèbres, en mettant en scène un couple de lycéens. C'est d'ailleurs lui-même qui interprète, de façon assez médusante, le garçon, l'autoportrait de Balthus devenant ainsi le sien. Quant à la jeune fille, c'est la compagne du photographe, Natsumi Hayashi (connue pour ses autoportraits en suspension) qui tient son rôle. Si les décors et mobilier ne sont pas reproduits à l’identique, la dureté persiste dans les contrastes du noir et blanc, sa finesse comme découpée au scalpel. Hara s’autorise aussi d’étranges libertés, comme de transposer les personnages de «La Montagne» dans l’intérieur glacé et carrelé d’une salle d’opération chirurgicale. Si leurs regards sont parfois lointain, des sourires amusés flottent légèrement sur les visages de ses modèles. Ces déplacements ironiques, font des photographies d’Hara bien autre chose que de simples «tableaux vivants». En traversant le miroir balthusien, les jeunes filles - et les jeunes garçons - en uniformes entrent dans le monde qui leur convient le mieux, celui d’une théâtralité des sentiments où l’émotion affleure sous la froideur et la cruauté. 








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