Affichage des articles dont le libellé est Kamimura Kazuo. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Kamimura Kazuo. Afficher tous les articles

mercredi 25 mai 2022

Un rêve japonais d’Andrzej Zulawski à Berlin



L’une des raisons d’être de ce blog est d’établir une sorte de cartographie de mes passions et obsessions. Je republie parfois des articles mais généralement je ne prétends pas y écrire des « textes » mais des esquisses qui me serviront peut-être dans le futur, comme c’est le cas pour mon interminable cycle de films de yakuzas. Ainsi ce billet que j’écris sous l’impulsion d’une « rencontre » d’images que je juge sidérante.

Quel lien peut-il exister entre Les Fleurs du mal de Kamimura et Possession de Zulawski ?

Le magazine Tempura m’a commandé un texte sur l’ero-guro et je me suis replongé dans les livres de Ranpo, Kyusaku et Tanizaki, et les mangas de Maruo et Kamimura. Une planche des Fleurs du mal (édité par Le Lézard noir) de Kazuo Kamimura était un hommage au classique d’Hokusai Le Rêve de la femme du pêcheur (1814). 





Les reprises de ce chef-d’œuvre sont innombrables sur tous les supports et dans tous les pays. Ainsi dans L’Enfant de Valentina (Guido Crepax, 1970), c’est au tour de la belle milanaise de connaitre une étreinte tentaculaire.



Dans Erotique du Japon (Veyrier 1978), Théo Lésoulac’h cite Huymans (Certains, 1889) : « La plus belle est une Japonaise couverte par une pieuvre ; de ses tentacules, l’horrible bête pompe la pointe des seins, et fouille la bouche, tandis que la tête même boit les parties basses. L’expression presque surhumaine d’angoisse et de douleur qui convulse cette longue figure de Pierrot au nez busqué et la joie presque hystérique qui filtre en même temps de ce front, de ces yeux cernés de morte sont admirables. »

Une autre surprise, bien plus folle et troublante, m’attendait quelques pages plus loin.



Je reconnaissais dans le découpage, le cadrage et même la posture du personnage, l’une des scènes les plus marquantes de Possession de Zulawski.



 

Je pensais tout d’abord à un « remake » par le mangaka puisque Possession était effectivement sorti au Japon. 



Cela s’avère en réalité impossible puisque le manga a été publié en 1975 et Possession est sorti en 1980. L’influence s’était donc faite dans l’autre sens: de Kamimura vers Zulawski. 

Comment une obscure BD ero-guro japonaise avait-elle pu se retrouver entre les mains d’un cinéaste polonais tournant un terrifiant drame de couple à Berlin ?

Est-ce que je délire ? 

Je n’aurais sans doute jamais la clé de l’énigme. Cependant, Possession est aussi, d’une certaine manière, une reprise du Rêve de la femme du pêcheur.






samedi 11 janvier 2020

Kazuo Kamimura, enka mangaka


Malgré sa mort prématurée à 45 ans en 1986, l’œuvre de Kazuo Kamimura est immense et couvre l’âge d’or de l’ère Showa. Si Lady Snowblood (1972) fut longtemps chez nous son manga le plus connu, grâce à l’adaptation cinématographique avec Meiko Kaji, on a découvert ses dernières années ses romans graphiques sentimentaux comme Lorsque nous vivions ensemble (1972) et Le Club des divorcés (1974) ou même sadomasochistes comme Les Fleurs du mal (1975). La chaîne de librairie japonaise Mandarake sortit en 2011 un très bel album consacré à son travail d’illustrateur. Car c’est là-aussi que s’exprime le génie de Kamimura, en particulier dans ses pochettes de disques pour les musiciens Enka. Si le genre remonte au début du XXe siècle, sa popularité connu un regain dans les années 70 lorsque la Enka se mâtina de jazz et de sonorités pop. Le style mélodramatique de Kamimura ne pouvait que s’adapter à cet univers ultra-romantique, larmoyant dans le bon sens du terme, et mélancolique. Ses pochettes sont la plus belle explication de ce que peut être la Enka, avec ses bars où rêvassent les jeunes femmes devant un cocktail, une cigarette à la main, ses plages plongées dans un automne éternel, et surtout ces larmes qui sans fin coulent des paupières de ses héroïnes.