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dimanche 9 juillet 2017

Deux jours à Paris avec Necronomidol


Après avoir exploré dans leurs clips l’univers ténébreux de Necronomidol, les rencontrer à Paris en plein soleil de juillet, était une drôle d’expérience. Dès leur sortie du van noir, costumées et maquillées, c'était comme vivre un rêve en plein jour. Il y avait bien Risaki, la farouche jeune guerrière, Himari la beauté fatale aux très longs cheveux noirs, l’innocente Rei, la poupée diabolique Hina, et bien sûr Sari, la malicieuse sorcière aux cheveux verts avec sa tarentule sur la joue. Dans l’appartement où se déroulait l’interview, elles adoptèrent immédiatement Misa, une petite chatte qui fut l’objet de toutes leurs attentions. Mais si Misa était enchantée de rencontrer de jeunes humaines lui ressemblant à ce point, pour nous c’était de découvrir que les Necronomidol n’étaient en rien des poupées mais des jeunes filles cultivées, pouvant aussi bien parler du chamanisme (une donnée essentielle de leur musique) que de l’illustrateur eroguro Toshio Saeki, d’Edogawa Ranpo, de Mishima ou Tanizaki. Cette volonté de former un groupe d’idolu dark et raffiné est le fait de leur producteur Ricky Wilson. Cette double nationalité, nippo-américaine, explique aussi le caractère inattendu de leur musique, passant de l’électro au métal, de la comptine gothique aux mélopées chamaniques inspirées de JA Seazer, le compositeur de Terayama.


Le lendemain, à l’Espace B, c’était l’occasion rare de les découvrir sur scène. L’objectif de leurs spectacles est d’emmener le public chez elles, ni à Shibuya, ni à Akihabara, mais sur une contrée lunaire, parfois neigeuse ou des forêts à l’organicité dérangeante abritent les temples d’anciens cultes shinto. Elles y parviennent par leur chant et leurs chorégraphies, sans éclairage ou décors. Ce sont des musiciennes mais aussi des actrices et surtout des conteuses. 


Il faut voir Hina avec ses couettes retenues par un ruban rouge, tournant sur elle-même comme une figurine de boîte à musique ; la marquise des araignées Sari devenant une poupée d’un conte d’Hoffmann ; la fièvre tragique de Risaki, qui en sueur et les yeux presque révulsés, paraît combattre des démons invisibles ; l’étrange bonne humeur de Rei au milieu de ses compagnes possédées ou encore Hina, hiératique, avec sa longue robe de prêtresse. Devant ses tableaux en mouvement perpétuel, passant du ballet d’automates à de vertigineux tourbillons de derviches tourneurs, on perd en effet toute notion du temps et de l’espace.

L’interview avec Necronomidol sera publiée sur le site Asian Winds


jeudi 4 mai 2017

Momoe Yamaguchi, Last song for you


Les sourcils et la bouche de Momoe Yamaguchi étaient parfaitement rectilignes, son nez était lui aussi mince et droit, et son menton d’un ovale parfait. Une beauté pure et absolue que l’on croirait sortie d’un manga.

Née en 1959, elle n’avait que 13 ans lorsqu’elle commença à chanter en costume marin des romances pour adolescentes. Momoe grandit, abandonna son seifuku et sa voix prit de troublantes inflexions graves. Assez contemporaine pour s’emparer de rythmes discos avec Playback part.2 et Imitation Gold, elle pouvait aussi, dans le déchirant Cosmos, chanter la tristesse de s’éloigner de ses parents. Son règne ne dura que 7 ans et en 1980, elle épousa l’acteur Tomokazu Miura. Elle se retira de la scène après un ultime concert, le 5 octobre 1980 au Nippon Budokan 
Le dernier morceau qu’elle chanta en public est l’un de ses chefs-d’œuvre : Last song for you, qui de fait acquit un statut mythique.
La vidéo est l’une des plus mélodramatiques de Momoe, qui pleure, presque sans interruption, pendant les 7mn que dure le morceau.
On admirera comment les sanglots et la voix brisée deviennent une part intégrante du chant de Momoe. On s’interrogera aussi sur une érotique des larmes, tant Momoe suffoque et s’abandonne pendant les 8mn que dure la vidéo.
On admirera la blancheur sensuelle et hypnotique de ses bras nus.
On admirera le panoramique remontant le long de la robe blanche en corolle, sa gorge soulevée par le chagrin, son cou tendu vers le ciel et son visage renversé, encadré de fleurs.

Accroché à sa main, un pan de la robe fait du tissu entier, le mouchoir qui recueille ses larmes. 


Les larmes sont à ce point l’essence-même de la shôjo, qu’on se demande si ce ne sont pas elles, bien davantage que le sang, qui coulent dans leurs veines.


dimanche 9 avril 2017

Necronomidol : Ithaqua



Les Necronomidol sont nos petites chamanes préférées de la J-pop. Dans le premier clip de leur album Deathless, elles invoquent une créature lovecraftienne : Ithaqua, seigneur de la neige et des vents glacés. Elles sont filmées dans les forêts enneigées du nord du Japon, terre mythique de religions plus anciennes encore que le shintoïsme et célébrées par des prêtresses en peaux de bêtes collectant les ossements et les pierres. C’est aussi de ces paysages de neige qu’est issu le butô torturé de Tatsumi Hijikata, comme si la blancheur glacée était la cristallisation des ténèbres. C’est ce qui fascine dans la vidéo : ce froid qui les enserre et que leurs frissons rendent perceptible. Elles évoluent dans un monde qui, paradoxalement, associe le froid à l’hypersensibilité et au trouble charnel, mais aussi à l'extase, comme celle qui saisit Sari la jeune fille aux cheveux verts. Bien qu’elle en soit la parfaite antithèse, le ventre dénudé de Risaki Kakizaki est dans ce contexte l’image la plus érotique que la J-pop a produit depuis Heavy Rotation des AKB48. Ithaqua est donc la vidéo des Necronomidol qui décrit au mieux le territoire unique qu’elles construisent. Ce refus d’appartenir au monde bariolé et électrique de leurs consœurs, quitte à se figurer en monstres, fantômes ou sorcières, en fait des figures en retrait, aristocratiques et un peu hautaines. Mais cette terre maudite, si elle est leur royaume sera aussi leur tombeau nous dit la vidéo qui les voit s’effondrer une à une. Les Necronomidol est bien le groupe le plus romantique de la J-pop.  









dimanche 2 avril 2017

Necronomidol : Psychopomp


Les Necronomidol sont les chamanes de la J-pop : cinq jeunes filles de moins de 20 ans qui depuis 2014 mixent les chants emo des idoles, avec du métal et de l’électro. Les vraies racines de Necronomidol sont cependant plus anciennes et puisent dans les musiques de JA Seazer pour Shuji Terayama. Ce fameux angura. On adore bien sûr la farouche guerrière Risaki Kakizaki et ses pointes de cheveux rouges comme du sang séché, mais l’idole immédiate est Sari avec ses cheveux verts et son araignée sur la joue. Necronomidol est à la base un projet hybride puisqu’initié par Ricky Wilson, un producteur américain suite au succès de groupes alternatifs comme Baby Metal. D’où peut-être sa nature davantage underground que mercantile et son respect de l’intégrité de ses musiciennes. Les Necronomidol sont autant des chanteuse que des actrices autour desquels s’élabore un concept empruntant à Suehiro Maruo, à Lovecraft et aux croyances shinto. 
Dans Psychopomp, l’un de leurs plus beaux clips, elles sont mises en scène par le photographe Dan Szpara à Aokigahara, la fameuse forêt des suicidés. On croit d’abord à des images fixes, déjà fascinantes, avec ces lichens verdâtres et mordorés couvrant les troncs d’arbres, mais si on y prête attention, il y a toujours un frémissement dans l’image : une touche de lumière vibrante, des feuilles d’herbes, des insectes… Les Necronomidol apparaissent une à une, elles-aussi immobiles, comme intégrées à cette vie séculaires. Elles ne chantent pas et ne sont jamais réunies. Chacune est découpée en plans de mains, de jambes, de cheveux, comme si elles entraient dans un monde dont le visage n’était plus le centre et dont le temps humain n’était pas non plus la mesure. Si la forêt les entoure, elles sont comprises entre deux motifs : un crâne de cerf blanchi et ce tapis de feuilles d’automne gorgé d’humidité. Les jeunes filles magiques mènent ainsi cette vie parallèle, entre l’os ayant atteint son point inaltérable et les matières organiques en décomposition.