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samedi 11 novembre 2023

Door (1988) de Banmei Takahashi



Attention, ce billet contient des spoilers. 

Door est un curieux film, entrant dans la catégorie du home invasion mais avec des préoccupations très japonaises. Le home Invader, celui qui s'introduit dans la maison, est davantage défini par un terme anglais passé dans le langage courant au Japon : le stalker. Un être anonyme, obsédé en général par une femme ou une jeune fille, qui se met à la suivre et se dissimule parfois chez elle. Ces personnages réels, au centre de fait-divers souvent tragiques, font partie des terreurs générées par la vie urbaine japonaise.



Le décor est typique des années 80, et deviendra celui favori de la J-horror : un grand ensemble moderne et aseptisé qui, s’il était laissé à l’abandon, aurait le même destin que celui de Dark Water. La solitude et une mère de famille persécutée sont aussi les thèmes de Door. Yasuko, une jeune femme au foyer, y réside avec son mari et son fils de 5 ans, Takuko. Le mari est un salaryman travaillant dans une société informatique, encore une fois un métier de la bulle économique. Il rentre épuisé du travail, fait une sieste, avant de s’occuper un peu de son fils.



La scène où Takuko est endormi dans leur lit indiquerait que ce couple poursuit une existence sans passion ni sexualité, centré autour de leur enfant. Cette vie conjugale morne et répétitive donne lieu à un désastreux retour du refoulé, pulsions qui chercheront à forcer la « porte » de l’appartement. Celles-ci s’incarnent en la figure d’un représentant proposant des cours d’anglais qui, blessé par la jeune femme refermant la porte sur sa main, va être pris d’une passion violente pour elle. Réduire le home invasion à son élément principal, la porte séparant la menace extérieur de l’intimité, est une idée particulièrement brillante. C’est sur celle-ci que l’héroïne trouve inscrit  : « Je suis sexuellement frustrée, faites-le avec moi. » Graffiti autant obscène que révélateur de son refoulement.



Alors que son mari est absent pendant trois jours, les coups de téléphone se multiplient, comme si l’un devenait de plus en plus présent alors que l’autre s’efface. Le « Je vous aime » du harceleur téléphonique lui revient perpétuellement à l’esprit, sans doute parce qu’on ne lui a pas dit ces mots depuis longtemps. Peu à peu, toujours à coup d’appels téléphoniques, l’homme étend son emprise sur sa vie, devinant lorsqu’elle sort de son bain ou l’épiant à la piscine. 



Paradoxalement, cette femme d’une trentaine d’année, ni belle ni laide, à la sexualité dévitalisée, se met très légèrement à retrouver une forme de sensualité. 



Avec ses traits fins et enfantin, le stalker échappe au cliché du pervers forcément repoussant. Comme le mari, il est un agent dépersonnalisé de la surconsommation des années 80. Les deux acteurs pourraient sans problème échanger leurs rôles. Après des années à œuvrer dans le domaine du roman porno et du film pink, Banmei Takahashi en connait bien les mécanismes. Pourtant Door n’est absolument pas un film érotique, ne flatte à aucun moment le voyeurisme du spectateur, comme si la sexualité refoulée de l’héroïne fermait aussi à double-tour cette porte-là.



Le stalker parvient finalement à s’introduire chez la jeune femme et, sous la menace, la force à préparer le dîner pour son fils et lui. Il occupe alors la place du mari absent, et tente ensuite de la violer. Un travelling étourdissant (et furieusement depalmien) en plongée totalement verticale, suit leur combat à travers tout l’appartement qui révèle son statut de décor, mais surtout d’espace mental.



Door a la réputation d’être l’un des premiers films gore japonais, au même titre que Evil Dead Trap sorti la même année. Mais il faut noter que les effets sanglants s’exercent exclusivement sur la figure du violeur, massacré par la jeune femme, à la fourchette à rôti et à la tronçonneuse. Pourtant, il semble que sa mort ne résout rien, à part faire basculer la mère et le fils dans la folie. Alors même que l’agresseur était dans l’appartement, un autre pervers téléphonait à Yasuko, faisant planer un doute : les appels anonymes, le mouchoir remplis de sperme déposé dans sa boîte à lettres, l’inscription obscène étaient-ils tous l’œuvre du représentant. Combien de pervers se cachent dans la ville pour l’épier ?



En 1991, Banmei Takahashi offre une suite érotique, Door 2, Tokyo Diary, délaissant le réalisme pour le baroque et un personnage de call-girl. La porte devient celle que va pousser la prostituée sans savoir quel homme se trouve derrière. Kiyoshi Kurosawa tourne Door 3 en 1996, ne retenant du premier film que l’idée du démarchage à domicile pour dévier ensuite sur un récit à la Body Snatchers. Kurosawa avait saisi que l’angoisse principale de Door résidait dans l’impossibilité de préserver son intimité dans un monde parcouru de réseaux téléphoniques. Des êtres spectraux, envoyés par les entreprises, pouvaient se glisser dans les maisons, cherchant autant à nous vendre leur marchandise, qu’à s’emparer de nos âmes et de nos corps.




mardi 31 octobre 2023

Shinji Somaï, l'anarchiste rêveur


Un texte bien sérieux que j’avais écrit sur Somaï pour Les Cahiers en 2013, à l’occasion de la rétrospective à la Cinémathèque française 

Typhoon Club 

Shinji Somaï, disparu en 2001 à l’âge de 53, laisse derrière lui une œuvre de 13 films. Bien qu’il fasse l’objet d’un culte vivace parmi ses pairs et les cinéphiles japonais, il demeure très méconnu en dehors de l’archipel. La raison tient d’abord à sa période d’activité, les années 80, décennie pendant laquelle le cinéma japonais fut négligé en occident. Le ralentissement créatif des grands auteurs, le déclin des derniers studios, mais aussi la mentalité particulière du Japon de la « bulle économique », en plein enchantement consumériste, produisirent un cinéma difficile à cerner. Somaï sut saisir la légèreté de l’époque, mais se révéla aussi un auteur exigeant et perfectionniste. Son œuvre passe du drame maritime The Catch (1983), au roman porno Nikkatsu Love Hotel (1985), à la fable maniériste Luminous Woman (1987) ou encore au mélo familial Wait and See (1998). Il est cependant un thème auquel il consacra la moitié de son œuvre : la jeunesse. 

P.P. Riders


Ses trois premiers films, The Terrible Couple (1980), Sailor Suit and Machine Gun (1981), énorme succès qui lança la star Hiroko Yakushimaru, P.P. Rider (1983) évoquent les mangas et anime et font la part belle aux nymphettes en uniforme marin et aux chansons sucrées. Pourtant, Somaï ne se contente pas de tendre un miroir complaisant à la jeunesse du pays mais signe des romans d’éducation où l’on parle franchement de sexe et de mort. Troquant la fantaisie pop pour un existentialisme lyrique, il offrit au film sur l’adolescence l’un de ses chefs-d’œuvre : Typhoon Club (1984) où des lycéens, prisonniers d’une école déserte pendant une tornade, affrontent leur moment de vérité. 

Typhoon Club


Cette même sensibilité, une perception intime et atmosphérique de l’adolescence, est à nouveau perceptible dans son dernier grand film, Le Déménagement (1993), dont l’héroïne est une collégienne perturbée par le divorce de ses parents. Le film se conclut par une plongée de 20 mn dans un Japon ténébreux et magique. Les personnages de Shinji Somaï vivent toujours à proximité de l’autre monde, en priorité les enfants et les vieillards. Un moment d’égarement ou un rêve éveillé suffisent pour qu’ils pénètrent dans cette dimension parallèle. Les vieillards n’en reviendront pas mais aux enfants, il sera permis d’acquérir une nouvelle connaissance.

 

Sortilèges

Sailor suit and Machine Gun


Dans The Friends (1994), un petit garçon se perd dans les méandres d’un hôpital. Alors que les couloirs se vident, il traverse des salles désaffectées et poussiéreuses, où des blouses blanches suspendues flottent comme des fantômes et où des fioles et éprouvettes contiennent d’étranges liquides fluorescents. Achevant son errance devant la morgue, il épie deux médecins plaisantant devant un cadavre ; vision qui le fait déguerpir et regagner le monde des vivants. Une même  dimension initiatique apporte une profondeur inattendue à Sailor Suit… dans lequel, suite au décès de son père, une lycéenne hérite d’un clan de yakuzas. De ce sujet délirant, Somaï tire une fable œdipienne : les 4 inoffensifs gangsters dont Izumi devient le « boss » représentent des figures paternelles, fraternelles et même filiales (le plus jeune s’effondre dans ses bras car elle lui rappelle sa mère). Comme dans un conte de fées, les yakuzas bons ou mauvais disparaissent les uns après les autres, jusqu’à ce que la jeune fille affronte le meurtrier de son père, chef de la bande rivale. Ce n’est d’ailleurs pas l’héroïne qui abat la figure paternelle maléfique mais la propre fille du gangster. Le travail du deuil achevé, Izumi, libérée du sortilège, peut retourner à sa vie de lycéenne.

Tournage de Sailor suit and Machine Gun



Dans Sailor Suit.., comme dans la plupart de ses autres films, les célèbres plans séquences de Somaï ne relèvent pas d’une virtuosité hollywoodienne ; les travellings sont tremblés, heurtés et souvent décadrés comme s’ils enregistraient la surface accidentée du réel. L’idée de temps et d’espace compte moins pour Somaï que faire partager une expérience émotionnelle : l’extase d’Izumi roulant en moto dans Tokyo (Sailor Suit…) ou l’inquiétude de traverser une forêt nocturne par une petite fille (Le Déménagement). C’est une transformation intime, même si on ne peut pas la nommer, que saisissent les frémissements de l’image. Dans Typhoon Club, les tumultes de l’adolescence sont liés à la violence climatique. En une scène étonnante une adolescente se masturbe dans le lit de sa mère parti au travail, la caméra restant fixe sur son visage, jusqu’à la jouissance. Plus tard, Somaï filme le calme dans l’œil du cyclone puis le déluge soudain sur la bande de lycéen dans la cour de l’école. Le plan séquence saisit un basculement du monde, en rupture avec une mise en scène souvent fluide et invisible. De façon plus humoristique, à la façon d’un Kitano, il permet aussi à Somaï de s’évader des règles du cinéma de genre. Dans P.P. Rider, un long plan séquence évacue tout le spectaculaire d’une rixe de yakuzas et la transforme en bagarre de bac à sable.

P.P. Riders

 

Chez Somaï, les sentiments développent leurs propres espaces, créent des raccords magiques ou au contraire des cohabitations impossibles. Dans Last Chapter of Snow (1985), un jeune professeur et sa fille adoptive résident dans des lieux éloignés mais, par un jeu complexe de décors, partagent les mêmes plans. Alors même qu’ils ne se sont pas avoués leur amour, le lié des espaces le fait exister.  Au contraire, les lycéens de la comédie The Terrible couple, se retrouvent dans une situation invivable : se voyant par erreur attribués le même appartement, ils doivent cacher leur situation pour ne pas être expulsés. 

The Terrible couple


Avant même de tomber amoureux, ils feront alors l’expérience du couple. Le jeune salaryman et la prostituée de Kazabana (2001) en représentent la version noire : unis par un pacte de suicide, ils transforment leur escapade hors de Tokyo en love story négative, ne supportant même pas de partager la même chambre d’hôtel.

Le classicisme que l’on a pu relever chez Somaï renvoie aussi à ce trait du cinéma japonais, lorsque les espaces domestiques véhiculent une vision du monde et une philosophie. Les maisons traditionnelles d’Ozu rechignent à accueillir la modernité et les palais des shoguns de Kobayashi évoquent, par leur géométrie, toute l’aliénation de l’esprit féodal. L’anarchisme de Somaï ne le pousse pas à détruire ces structures mais à trouver des ouvertures et des fuites, pour créer en leur sein des mondes utopiques – les enfants en sont le plus souvent porteurs. 

The Friends


Le vieil homme de The Friends est prisonnier d’un acte terrible commis pendant la guerre : la mort d’une femme enceinte aux Philippines. Ne parvenant plus à rejoindre son foyer, il devient de son vivant un spectre, s’enterrant dans une maison qui retourne à l’état sauvage. Ce sont des enfants, lutins qui chantonnent les airs de Mon voisin Totoro de Miyazaki, qui, en restaurant la maison, briseront la malédiction et le feront renaître au monde.

 

Utopie

Le Déménagement


De tous les lieux de Shinji Somaï, le plus beau est l’école de Typhoon Club. L’endroit du contrôle des enfants, des emplois du temps et des sanctions, devient un espace de liberté n’appartenant qu’à eux. L’impossible cohabitation peut alors aboutir à une communauté utopique. Chacun, presque au sens littéral, fera peau neuve. Ainsi, ce garçon qui verse de l’acide dans le dos d’une camarade pendant un cours de chimie. L’infirmière le force à regarder le dos nu et les cicatrices de l’adolescente qui, lui dit-elle, la marqueront à vie. Pendant le passage du typhon, le lycéen, les yeux vides comme un zombi, agresse la jeune fille dans un bureau désert. Lorsqu’il déchire sa chemise et s’aperçoit que les cicatrices ont disparues, il s’arrête net. L’effroi de son geste passé, mêlé à l’émotion érotique de découvrir la nudité de sa camarade, l’avait enfermé dans un cauchemar. A tous deux (puisque la jeune fille avait aussi capturé le garçon dans une vengeance inconsciente), il est alors permis de repartir à zéro et de retrouver leur innocence. Somaï marque une rupture avec un certain nihilisme du cinéma japonais, à l’œuvre chez Oshima par exemple, où le bonheur est toujours hors d’atteinte et les personnages invariablement maudits par leurs actes et poussés vers la mort et la folie. Seule exception : The Catch, récit d’aventure maritime qui rejoint une forme de fatalisme. Comme dans les récits d’Hemingway, la virilité devient une part maudite que les hommes vont tragiquement expier en mer.

P.P. Riders


A la société, Somaï oppose les bandes, les clans, voir les tribus primitives. Les yakuzas de Sailor Suit… s’avèrent une fratrie d’adolescents attardés, pour qui la solidarité des « aniki » compte plus que la loi de la pègre. Les lycéens de Typhoon Club, ne sont pas davantage rassemblés par les règles de l’école, mais par un lien plus mystique et profond. Lorsqu’ils dansent nus sous le typhon, il n’y a rien d’autre à l’image que les corps, la pluie et la terre transformée en boue. Les éléments liquides, récurrents chez le cinéaste, font retourner le monde à un état primitif. La petite fille de Le Déménagement, au bord du lac Biwa, a la vision d’un Japon archaïque et magique lorsqu’apparait un navire funéraire illuminé de lanternes. Les spectres qui se dirigent vers l’embarcation sont ceux de ses parents, prémonition d’un arrachement à laquelle elle devra se résoudre. C’est également dans l’eau d’un lac que l’adolescente de P.P. Rider a ses premières règles, telle une petite mort de son enfance. Sans aller jusqu’aux visions purement fantastiques d’un Miyazaki, Somaï a sans doute davantage de points communs avec des animateurs comme le père de Totoro ou Isao Takahata (Pompoko, Le Tombeau des lucioles) qu’avec ses pairs, les cinéastes de la génération des années 80.

Le Déménagement


En premier lieu, les rassemble un sentiment écologique mâtiné d’animisme. Dans Wait and See, entre le fils salaryman et le père paysan, sorte de Boudu japonais, se crée un petit territoire utopique : le poulailler que le garçon chéri dans son jardin comme une part d’enfance. Les poules et les poussins assurent la transmission entre les deux hommes, version enchanté des thons maléfiques de The Catch. Cette part animale que les hommes de la campagne sont parvenus à conserver, la femme la possède naturellement. En un très beau plan inquiétant, l’épouse du jeune salaryman tire avec ses dents la peau du ventre de son mari endormi. Somaï a inventé une gestuelle pour ses personnages féminins : a un moment ou un autre elles se mettent immanquablement à marcher à quatre pattes, souvent au cours de longs plans séquences. Ainsi, la lycéenne de Sailor Suit…, au lendemain d’une cuite au saké avec ses camarades yakuzas, fera sans fin le tour de son salon comme un petit animal. 

Sailor Suit and Machine Gun


Cette expression désigne avant tout les femmes comme des êtres de métamorphoses. L’écolière de P.P. Rider adopte la coiffure et les vêtements d’un garçon et les jeunes filles de Typhoon Club pillent les costumes du club de théâtre. Le statut de Yakuza d’Izumi n’est en définitive qu’un bref moment dans sa vie d’adolescente. De la même façon, la prostituée suicidaire de Kazabana, n’est que l’incarnation temporaire d’une mère de famille.

Cinéma de la métamorphose, du jeu et du travestissement, empreint d’un anarchisme rêveur, l’œuvre de Somaï fut une brèche dans une époque où toute idéologie contestataire avait disparue. Sa disparition prématurée l’empêcha d’être réellement le contemporain des cinéastes de la crise économique comme Shinji Aoyama, Kiyoshi Kurosawa ou Shunji Iwai, mais nul doute qu’il fut leur précurseur.



 

 

dimanche 23 juillet 2023

23 juillet : Strane giornate a Roma



L'encre dans la peau



Le catalogue de l’exposition « Tatouages du monde flottant », au musée départemental des arts asiatiques à Nice est sorti. J’y ai écrit un texte sur (évidemment) les tatouages dans les films de yakuzas. J’y étudie pourquoi le tatouage n’apparaît pas dans les films de « gurentai » des années 50, et en quoi son apparition change radicalement la nature du genre. J’aurais l’occasion d’y revenir dans un prochain épisode des « saisons des yakuzas ». 



Cette fascinante exposition, qui se tient du 1er juillet au 3 décembre, retrace 300 ans de figures tatouées. 



Et si je devais choisir un tatouage, lequel serait-ce ? Peut-être Inari le dieu renard car le premier nom de ma famille, il y a quelques siècles était "Goupil".
 

Sur l’étagère de Rina Yoshioka


La nouvelle livraison de Tempura (été 2023) s'intéresse au « Vintage ». J’ai consacré un article à Rina Yoshioka, mon artiste japonaise contemporaine préférée. Rina nous fait visiter son atelier, et les objets et images qui l’inspirent. Ce n’est pas seulement le chrame « rétro » qu'elle retient dans les magazines érotiques des années 60 et 70, mais très concrètement comment représenter les corps des femmes vivant en ce temps-là. C’est donc de la dimension documentaire et sociologique de sa peinture dont j’ai discuté avec Rina.


Une des dernières œuvres de Rina : cette femme en rouge dans un quartier de bars, veillée bien sûr par un chat débonnaire.




Nella Città dell'Inferno



Je vais passer quelques jours à Rome, devenue le temps de la canicule (entre 37° et 43°), la città dell'inferno. Je me réfugie dans la fraicheur de ses musées, pour assouvir une de mes passions : la statuaire gréco-romaine. J’aime particulièrement les bustes d’hommes politiques, de guerriers ou de simples notables, car derrière chacun se trouve un homme qui a vécu il y a plusieurs milliers d’années de cela. Comment ne pas penser qu’ils nous regardent à travers les siècles et jugent sévèrement notre époque ? 



A Rome, je ne m’intéresse pas spécialement au Japon, mais plutôt aux fumetti, les petits formats des aventures de Diabolik ce Fantômas italien baroque et glamour, ou de Dylan Dog, le romantique détective de l’occulte dont la France a toujours raté la publication. Bien sûr, je rends hommage à Valentina, la  belle milanaise dont j’achète rituellement un album à chaque voyage.



Pourtant dans la librairie de la gare de Roma Termini, je ne peux m’empêcher de photographier les mangas qui s’étalent par centaines, me rappelant que l’Italie a été bien en avance sur la France dans ce domaine. 



Il n’y a qu’à voir les éditions des chefs-d’œuvre de Ryoko Ikeda qui s’étalent sur plusieurs rayonnages alors que chez nous on ne trouve que La Rose de Versailles et Très cher frère, ce dernier épuisé depuis des années.









Crimes et pastèques

Quoi de plus agréable que de regarder en été un de ces films de « mystery » des années 70, que l’on pourrait aussi appeler « film de village maudit » ou « giallo campagnard japonais ». Bannai Tarao - The Tragedy in the Devil-Mask Village (1978) de Kazuhiko Yamaguchi, est une production Toei essayant de profiter du succès des adaptations des romans de Seishi Yokomizo. Akira Kobayashi interprète Bannai Tarao, un détective (en apparence) cacochyme, as du grimage (dont la plupart ne tromperaient pas un enfant de cinq ans), enquêtant sur des meurtres d’héritières dans la campagne reculée. Lorsqu’il se déguise en chauffeur de taxi borgne, il ne peut s’empêcher de mettre dans son autoradio une cassette… d’Akira Kobayashi. 


Kazuhiko Yamaguchi est le réalisateur de la géniale série Delinquent Girl Boss avec Reiko Oshida, et de plusieurs films de karaté avec Sonny Chiba. Il se montre particulièrement inspiré dans ce whodunit, dont les décors de studio et les crépuscules flamboyants ne dépareraient pas chez Nobuhiko Obayashi.


Un même rouge-sang teinte les pastèques, les kimonos des poupées diaboliques, et les masques des démons.

Les meurtres sont orchestrés avec une maestria toute italienne, en particulier celle d’une jeune fille amatrice d’automate, dont la pendaison "suspiriesque" fait appel à tout un système de cordes et de poulies, telle une de ces « mécaniques fatales » chères à Kiyoshi Kurosawa.



La signature du tueur est un masque de la démone Hannya, bien connue des amoureux d'Onibaba.



The Tragedy in the Devil-Mask Village bénéficie également d’un superbe générique « démoniaque » faisant intervenir une troupe butô, probablement celle de Tatsumi Hijikata. 







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Photo d'ouverture de Shorato Akemiya